Chapitre 14 : Grand Départ (1/3)

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Dents-Longues refit son apparition à la veille de la date butoir, acceptant finalement de faire partie de l'équipage, malgré la présence du pavillon français qui flottait fièrement à la poupe du cotre.

Même si l'équipage n'était constitué que de de vingt-quatre hommes et femmes, le Renard devait prendre la mer pour son grand départ. Alizée était revenue au lendemain du discours de Surcouf avec les voiles supplémentaires, et ces dernières avaient été gréées. Avec un grand foc et un foc en l'air, la formidable longueur du mât de beaupré du cotre serait utilisée à son plein potentiel. Elle compléta la voilure du grand mât avec un hunier et un perroquet pour gréer un phare carré complet. Sur le plan de la préparation du navire, les jumeaux avaient pesté contre Surcouf, arguant qu'il était irresponsable de larguer les amarres dans ces conditions, le pont ayant tout juste été remis à neuf, mais les travaux sur la coque n'ayant pas pu être terminés. Cette dernière avait été certes débarrassée des algues qui l'encombraient, mais était toujours handicapée par l'épaisse couche de balanes et autres coquillages qui s'y étaient fixés au cours du temps.

— Cela alourdit le vaisseau, avait dit Tag.

— Et le rend moins manœuvrable, avait ajouté Heuer. Depuis que nous en avons débarrassé le safran du gouvernail, nous en avons retrouvé toute la souplesse et la légèreté. Ce navire est magnifique, mais nous ne pouvons pas le laisser dans cet état.

Le corsaire était cependant resté inflexible, et le départ devait avoir lieu. Quant à l'armement en lui-même, l'expertise de Xao avait statué sur la nécessité de fournir le Renard de quatre canons supplémentaires avant de prendre la mer. Surcouf proposa d'acheter aux artificiers les deux canons de quatre livres et les deux de six livres demandés par le pirate mandarin. Cela provoqua un tôlé au sein de l'équipage qui jura qu'un pirate n'achetait pas de canons, mais qu'il les prenait aux navires ennemis. Surcouf dut céder à la demande de ses hommes et Rasteau prit l'initiative d'élaborer un plan.

— J'ai repéré deux goélettes espagnoles, l'Esperanza et la Libertad, qui sont arrivées au mouillage à Trou-Basseux pas plus tard qu'hier. Nous savons tous que la marine hispanique est réputée pour produire des pièces d'artillerie fiables, et autrement plus légères que celles de France ou d'Angleterre. Aussi, je propose que nous tentions une diversion, Xao et moi, pour occuper les espagnols, pendant que vous déroberez les canons.

— Quelle genre de diversion ? demanda Surcouf.

— J'en fais mon affaire, répondit le cuisinier. Assurez-vous simplement que les gros-bras seront prêts à subtiliser les canons, quand le signal sera donné.

Une fois ce plan échafaudé, il fallut préparer le Renard pour son grand départ. L'équipage se rendit à quai, et chacun se vit attribuer les différentes tâches qui lui incombaient. Zélia, Alizée furent accompagnées de Törmund et Amund pour acheter les réserves d'eau et de vin, ainsi qu'un tonneau de Rhum pour les grandes occasions. Dents-Longues, Tuba et les jumeaux s'occupèrent des pièces de rechange : poutres, poulies, cordages et toile, en cas d'avarie en mer. L'achat des provisions de nourriture revint à Wardin, qui échangea ses pigeons, devenus trop encombrant et inutiles, contre une dizaine de poules et un coq, qui furent remisés à l'arrière du navire, et qui serviraient de garde-manger, et apporteraient des œufs frais à tout l'équipage. Il ne conserva de sa volière ambulante que la colombe de Surcouf, dont la partenaire n'était toujours pas revenue de Chalais, ses oiseaux de proie et les trois bernaches dont les femelles venaient de pondre des œufs, leur apportant l'assurance d'un repas de fête pour Noël. Il acheta force lard et autre viande salée, ainsi que de la morue en abondance, qui fut remisée dans les cales du Renard. Des sacs de farine ainsi que de pommes de terre furent entreposés, et l'on embarqua le plus de fruit possible, afin de lutter contre le scorbut, tout en sachant pertinemment que leur fragilité ne leur permettrait pas de résister bien longtemps. Enfin, Surcouf et Xao se chargèrent de la cargaison de poudre et de munitions, pour affronter les futures batailles qu'ils devraient mener en mer.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant