L'aube jetait ses lueurs rosées sur l'Est lorsqu'Azimut débarqua les cinq aventuriers sur une plage de la côte Sud-Africaine, à quelques kilomètres au Nord de l'Isle Robben. La navigatrice avait réussi à se procurer une carte approximative de la région, ce qui leur permettrait d'éviter les villages situés aux alentours du Cap afin de ne pas se faire repérer. Au bout d'une demi-heure de marche, ils tombèrent sur une des fermes matérialisées sur la carte.
Au Sud, la brume recouvrait le sommet de la montagne de la Table, comme à son habitude, tandis que devant eux se dessinaient les reliefs rocheux qu'ils allaient devoir franchir pour rejoindre la brousse, quelques dizaines de kilomètres au Nord de la côte. Surcouf n'avait pas prévu de faire les quatre-vingts lieues qui séparaient Le Cap de Mossel Bay à pied, aussi décida-il de dérober une charrette à bœufs. Singh se glissa subrepticement dans la maison du fermier, en fit le tour et constata qu'elle était vide, ce dernier étant probablement parti mener ses bêtes en pâturage. La présence de nombreux prédateurs, comme les lions et les hyènes, dans cette région d'Afrique, imposait aux fermiers de surveiller constamment leurs troupeaux, sous peine de les voir subir les attaques des fauves et autres bêtes sauvages. Aussi, il leur fut aisé de subtiliser ladite charrette. Les bœufs n'étaient certes pas plus rapides qu'eux, à pieds, mais ils leur éviteraient une marche harassante et difficile, dans la brousse. Car il n'y avait pas de routes, dans cette région du monde, et les seuls chemins qui avaient été tracés reliaient Le Cap à ses villages satellites, et Surcouf refusait de les emprunter, par souci de discrétion. Au-dessus d'eux, Balaïkhan, qui avait décidé de les accompagner, du moins au début de leur périple, volait en cercles concentriques, découvrant ce paysage nouveau, si différent des steppes eurasiennes où il avait grandi. Les perturbations créées par la rencontre de l'Océan Atlantique, froid, et l'Océan Indien, bien plus chaud formaient volutes et tourbillons qui étaient un véritable terrain de jeu pour l'aigle royal.
Aux alentours de midi, il décida qu'il était temps de déguster son petit déjeuner. Et justement, à quelques kilomètres de Surcouf et de la lente charrette à bœufs, il repéra une plaine d'où sortaient les têtes alertes d'une famille de suricates. Si ces derniers étaient habitués à la présence de prédateurs aériens, éperviers, busards, milans ou encore aigles de toutes sortes faisant partie de la faune endémique de la région, ils n'avaient encore jamais vu de prédateurs comme Balaïkhan. L'aigle de deux mètres trente d'envergure et de près de six kilos était le seigneur des airs. Sa taille se rapprochant presque plus de celle des vautours que des éperviers qui foisonnaient ici. Cependant, pour les suricates, même si l'aigle leur était inconnu, le danger qu'il représentait était assuré, et dès que l'aigle replia ses ailes pour fondre sur ses proies, les petites mangoustes plongèrent vers leurs terriers, à l'abri des serres meurtrières de Balaïkhan.
Abandonnant son goût pour les suricates, l'aigle reprit de la hauteur à la recherche d'une nouvelle proie, moins encline à lui filer entre les serres. Mais l'après-midi battait son plein et la chaleur était trop forte pour que les mammifères ne sortent des grottes et sous-bois où ils étaient cachés. Vers dix-neuf heures, donc quand le soleil daigna se faire plus clément, et que ses rayons commencèrent à teindre le ciel de lueurs orangées, Balaïkhan reprit sa ronde céleste, tentant de débusquer quelque proie imprudente. Et son dévolu se porta sur un jeune oréotrague. Cette toute petite antilope des montagnes mesurait moins de deux pieds au garrot, et ne pesait que huit kilogrammes, mais c'était tout de même plus que le poids de l'aigle royal. Cependant, contrairement aux suricates, l'oréotrague ne se doutait pas qu'une telle menace pesait sur lui, et savourait allègrement les feuilles charnues d'un bosquet d'épineux lorsque Balaïkhan porta son attaque. Monté à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sommet rocheux, il replia ses aigles pour fondre en piqué, et prendre de la vitesse. Parvenu au-dessus de la crête, il fit une courbe afin de ralentir sa chute et de raser le flanc de la montagne, son plumage brun-roux se fondant dans le décor rocailleux de la falaise. Sans un bruit, l'aigle approchait de sa proie à une vitesse phénoménale, et la pauvre antilope ne remarqua son assaillant que lorsqu'il était déjà sur elle. Les serres acérées se refermèrent sur ses pattes arrière, et Balaïkhan l'emmena dans les airs. L'animal se débattait en vain, et, quelques secondes plus tard, l'aigle lâcha sa proie au-dessus d'un à-pic rocheux. Le petit ruminant fit une chute de plusieurs centaines de mètres avant de terminer sa course mortelle sur les rochers en contrebas.
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Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission Royale
Ficción histórica[TERMINEE] [Wattys 2021 WINNER] Un énorme merci à @Alonebuttogether pour son travail sur la couverture, n'hésitez pas à aller voir ce qu'elle fait! En 1785, le capitaine Surcouf, corsaire connu pour ses exploits militaires, fait la rencontre d'Osca...