Chapitre 4 : Marcher vers ses Souvenirs cachés

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Le lendemain, toujours à l'hôpital

Mon réveil s'effectue avec un mal de crâne intense et des courbatures sur chaque muscle. Le personnel de l'hôpital m'apporte de quoi grignoter. Mes parents sont à mes côtés et ils m'ont assuré que notre entourage me rendrait visite. Mes grands-parents ont été soulagé de me savoir réveillé et souhaitent me voir au plus vite. Je suis allongée, apaisée par les rayons lumineux traversant le verre pour se poser sur les draps.

- Ma puce, tu as besoin de quelques choses ? Demande ma mère souriante.

Je hoche négativement de la tête. Mes cordes vocales ont encore besoin de temps avant de pouvoir produire un son. J'essaye d'émettre un sourire pour le transmettre à mes parents.

Soudain des fragments de souvenirs traversent mes pensées. Le chemin du retour en voiture, l'arrêt imprévu, la présence de la nuit et le sang qui recouvre la neige. Les images qui défilent dans mon esprit me tétanisent.

Mon visage semble s'être liquéfié car mes parents se dévisagent et semblent inquiet. Ils me parlent mais je n'arrive pas à bien comprendre leurs questions. Les mots restent bloqués au fond de ma gorge et le couple s'affole face à moi. Rapidement le médecin rentre dans la chambre suivie des infirmières. Il agite sa main devant mes yeux pour me faire réagir mais mes pupilles semblent s'être figées. J'entends un bourdonnement puis sous les regards ébahis des personnes présentes mes lèvres se mettent à parler.

- Que... s'est-il... passé ?

Je tourne ma tête vers mes parents, qui sont collés l'un contre l'autre. Mes yeux s'humidifient mais je me concentre pour ne pas craquer.

- Que... m'est-il... arrivé ? Ajoutais-je malgré le silence pesant.

Les personnes face à moi ont baissé la tête. Le médecin fait un pas vers moi et commence.

- Tu as été poignardé.

Je fronce les sourcils, je ne me rappelle pas de ce détail. Mon père se place du côté droit de mon lit et continue.

- Nous n'avons pas encore retrouvé ton agresseur mais la police ne baisse pas les bras.

Je place mes mains devant mes yeux et détaille les tuyaux reliés aux machines. Puis je me mets à chercher l'endroit où je suis censée être blessé. Avant que j'aie pu toucher mon poitrail, le médecin m'arrête en disant.

- La lame a touché ton cœur.

Je me fige à cette annonce et relève le regard vers lui.

- Un morceau y est encore. Nous ne savons pas comment il peut battre encore, tu es un mystère pour la science. Ajoute-t-il anxieux.

Le silence pèse dans la pièce et le monde autour de moi s'effondre.

- Ne t'inquiète pas ma puce, tout va bien maintenant. Les médecins disent que tu vas pouvoir vivre avec, que cela n'aura pas d'impact sur le fonctionnement de ton organisme.

Plus aucune émotion ne me traverse. Je n'ai qu'une envie, partir loin de cet hôpital et de tous les mystères qui y regorgent. Je voudrais que l'on m'explique en détail mon handicap mais si j'ai bien compris, personne ne sait rien. Préférant ne pas user plus de ma voix, je pose ma tête sur mon oreiller et mon regard fixe le plafond blanc. J'entends mes parents et le médecin sortirent. Les pleurs de ma mère comblent le vide même si elle essaie de ne pas faire du bruit. Le médecin la rassure en disant.

- Ne vous inquiétez pas, Elma a une force incroyable. Habituellement, une personne sortant du coma aurait dû mal à bouger et à parler or elle, elle semble n'avoir aucune limite.

- Vous pensez qu'elle pourra vivre avec ce cœur endommagé ? Demande mon père, la voix tremblante.

- J'ai de forts espoirs pour votre fille, c'est une battante et elle réussira à gagner contre ce foutu morceau de métal.

- Elle semblait si détruite quand nous lui avons annoncé. Ajoute ma mère, désespérée.

- Elma est intelligente et sait ce que cela implique. De plus qui n'aurait pas été déstabilisé par cette nouvelle.

Je n'écoute pas la suite de la conversation. Mon cerveau assimile difficilement les informations pourtant j'approuve les paroles du docteur. Je sais ce que je risque, ce que je risque de perdre, vivre sans cœur.


Les jours qui suivent, je suis un fantôme. Je fais des efforts pour manger car j'en ai besoin pour améliorer mon état. Des infirmières passent plusieurs fois dans la journée pour vérifier ma plaie. Mes parents sont restés de longues heures à mes côtés mais aucun mot n'a traversé mes lèvres. Mes grands-parents et quelques personnes de ma famille proches sont aussi venu pour me témoigner de leur soutien. Malgré toutes ses intentions, les mots doux et l'espoir qu'ils me transmettent, je n'arrive pas à dépasser cette colère qui bouillonne en moi.

Des questions passent constamment dans mon esprit et une rancœur a pris place dans chacune de mes veines. Je suis en colère contre celui qui m'a infligé cela ainsi qu'à ma famille. C'est un monstre. Les souvenirs du peu de paroles échangées me sont revenu hier et depuis ils tournent en boucles dans ma tête.

En revanche, mon état semble miraculeux selon le personnel médical. J'ai passé plusieurs radios et fait une batterie de test pour suivre le morceau coincé dans mon organe vital. Celui-ci semble avoir trouvé sa place et les résultats sont très encourageants. Les effets du coma se dissipent petit à petit et je reprends de la vigueur.

Aujourd'hui un kiné doit venir me voir pour commencer ma rééducation. Je suis impatiente et en même temps j'ai la trouille. Je ne me sens pas encore prête à me remettre debout, à reprendre ma vie en main. Mes yeux, jusque-là perdus dans le vide, se retrouvent attiré par l'entrée de plusieurs personnes.

- Bonjour Elma ! Je m'appelle Axel et je suis là pour m'occuper de ta rééducation. Tes parents seront présents pour la première séance.

Je dévisage l'homme au bout de mon lit et le trouve plutôt sympathique. Il est brun et a une barbe de quelques jours qui s'accorde parfaitement à son sourire. Mes parents sont présent à ses côtés et se tiennent par la main. Ils savent que je ne parlerais pas, que je n'y arrive pas. Pourtant cela ne semble par éteindre la bonne humeur du kiné qui continue joyeusement.

- Bon on va commencer doucement, arrives-tu à rester en tenir en position assise ?

Je réalise le geste pour lui faire comprendre que oui. Il me demande de lever mes deux bras, ce que j'applique instantanément. Le jeune homme semble surpris par les réactions de mon corps mais il nefait aucune remarque et ajoute toujours aussi joyeux.

- Très bien, que dis-tu d'essayer de te mettre debout ?

Je hoche de la tête et il s'approche de moi. Mes parents restent silencieux mais je sais qu'il fixe chacun de mes gestes. Une infirmière vient aider le kiné à me déplacer jusqu'au bord du lit. On attend quelques secondes que ma tête arrête de tourner puis je pose mes pieds au sol. Sentir le balatum entrer en contact avec mes orteils est une sensation exquise. Soutenu par les deux personnes de l'hôpital je mets mon poids sur mes chevilles et tends mes genoux. Mon corps se met à trembler et le kiné le remarque très vite.

- C'est bon pour aujourd'hui tu peux te rasseoir.

Je ne suis pas de cet avis et lui lance un regard désespéré.

- Elma tu ne peux pas en demander trop à ton corps, c'est déjà extraordi...

- Un pas.

Ma coupure l'a empêché de continuer et j'ai entendu mes parents pousser un soupir de soulagement. Le kiné me fixe dubitatif mais je ne lui laisse pas le choix. Je pose mon pied devant moi comme si cet incident n'était jamais arrivé.

Mes parents poussent des cris de joie et je peux deviner qu'ils se prennent dans les bras. Le personnel médical est subjugué. Ils finissent par me ramener vers mon lit et je m'allonge, épuisée. Le kiné parle avec un grand sourire à ma famille mais je ne m'attarde pas à leur conversation. Mes yeux ont retrouvé le plafond et mon âme semble être sorti de mon corps.

J'ai réussi. J'ai marché.

CŒUR MORTELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant