Chapitre 14 : Sombrer sans accepter d'être aidé

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Une heure plus tard, dans la chambre d'Elma

Axel vient de me ramener dans ma chambre. Nous sommes au milieu de l'après-midi, le soleil est haut dans le ciel. La séance de kiné s'est très bien déroulée, je me suis améliorée.

Mes parents ne sont pas venus aujourd'hui, ils assistent au mariage d'une collègue à ma mère. Je leur ai interdit de venir, souhaitant qu'ils passent une journée loin de l'hôpital.

L'homme qui réalise ma rééducation a poussé mon fauteuil jusque devant ma fenêtre et m'a donné mon téléphone avec des écouteurs branchés dessus. Je sélectionne une playlist enregistrée sur le mobile puis je plonge doucement dans ma bulle. Dans mon monde.

Les minutes passent et mon esprit s'apaise au son des paroles des chanteurs. Certaines musiques rassemblent mon histoire, ma douleur et cela adouci mon corps. J'essaie de ne pas penser à mes soucis mais cela se complique quand le visage de Rowen s'impose dans mon esprit. Ses mots reviennent me hanter et je ne peux empêcher mes yeux de se fermer pour chasser ses idées noires. Voiler ma cornée n'est d'une aucune utilité et renforce mon mal-être.

Malgré la tristesse qui me traverse, une impression tourne en boucle dans ma tête. Je sais très bien que le jeune homme ne m'a pas dit cela par hasard, il s'est passé quelque chose lorsque nous étions séparés. Ses pupilles n'émettaient pas la même lueur, elles reflétaient son désespoir, sa douleur.

Je poursuis ma réflexion jusqu'à entendre un vacarme dans le couloir. Des cris résonnent et des objets se fracassent sur le sol. Je décide d'aller voir ce qu'il se passe, trouvant ces bruits inhabituels. J'ouvre ma porte, après avoir retiré mes écouteurs et ne remarque rien d'anormal. Tout est à sa place. Un duo d'infirmière passe devant moi et je les entends converser.

- Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas eu de problèmes avec lui, je ne sais pas ce qui s'est passé. Prononce la première, songeuse.

- C'est vrai mais là je ne l'ai jamais vu aussi énervé. Ajoute la seconde, inquiète.

Leurs paroles m'interrogent, leurs comportements m'inquiètent. Qu'est ce qui se passe ?

Soudain j'entends une voix que je connais par cœur. Elle me brûle les tympans et créé dans mon cœur un trou béant. Je n'hésite pas et traverse, à l'aide de mon fauteuil, le couloir vers la source de l'agitation.

Je suis devant la chambre d'où proviennent les hurlements. Devant sa chambre.

Je reconnais Axel au milieu de la pièce qui essaie de calmer le garçon qui l'insulte sans s'arrêter. Le kiné semble dépassé par le comportement du jeune homme. Pour ma part, mes soupçons s'avèrent réel. Rowen va mal, très mal.

Je m'approche doucement, dépassant les personnes postées près de la porte. Personne ne m'arrête et c'est aussi bien. A cet instant je comprends les sentiments qui ont traversés le jeune homme qui m'a sauvé de ma folie. Je suis terrifiée.

Rowen est dos à moi. Axel est face à lui et essaie de le raisonner. Je n'écoute pas ses paroles, je suis plongée dans un état second. Il a dû s'écouler deux jours depuis que le garçon m'a violemment rejeté. Je lui en ai voulu sans prendre le temps d'imaginer qu'il souffrait, qu'il sombrait. Si Rowen m'a renvoyé de cette manière c'est parce qu'il avait des problèmes et qu'il ne voulait pas me l'avouer.

Soudain le jeune homme se jette sur le kiné, son unique jambe comme seul appui. Le personnel médical s'apprête à intervenir mais Axel leur ordonne de rester en arrière. Je reviens à la réalité quand Rowen frappe au visage l'homme qui ne veut que l'aider. Tous deux reprennent leurs souffles pourtant l'homme de l'hôpital ajoute.

- Cela ne te servira à rien de me frapper. Je ne suis pas responsable de tes malheurs, toi seul les contrôle.

- Ferme là Axel !

Les deux hommes se fixent et personne n'ose bouger. L'homme en charge de la rééducation prononce à l'encontre du garçon qui déborde de fureur.

- Ce n'est pas comme ça qu'elle te pardonnera.

Je comprends qu'Axel parle de notre éloignement et dû au fait que j'ai souffert de cette séparation. Malheureusement, le garçon le prend très mal et accentue sa prise, prêt à frapper de nouveau l'homme innocent. 

Je ne réfléchis pas, me lève de mon fauteuil et me précipite entre les deux hommes contre le mur. Mon corps se place devant Axel, empêchant Rowen de porter sa main contre sa joue, déjà rougie par le coup précédent. Le jeune homme se liquéfie quand ses pupilles rencontrent les miennes. Je le fixe sans détourner le regard et lui dis d'un ton sobre.

- Lâche-le.

Rowen s'exécute aussitôt, libérant le kinésithérapeute qui s'écarte pour reprendre ses esprits. Je me retrouve seule avec le garçon qui semble dévasté par ma présence.

Mes pieds se reculent et mon dos se colle contre un mur de la pièce. Le jeune homme suit mes mouvements et reste face à moi, sans détacher ses pupilles de ma silhouette. Je tourne mon regard vers Axel qui me demande si je vais bien. Je hoche de la tête pour lui donner une réponse et les personnes quittent la chambre pour retourner à leur travail. Je dirige à nouveau mon attention vers le garçon muet et lui dis gentiment.

- On peut s'asseoir, je ne maitrise pas encore parfaitement mon équilibre.

Rowen ne répond rien et part en sautillant jusqu'à son lit. Je suis son chemin en progressant doucement jusqu'au matelas. Je m'assis à côté du jeune homme en colère et attends qu'il me parle. Les secondes sont longues et gênantes, le garçon reste dans ses pensées sans même m'adresser un seul regard. Je décide de briser la carapace qui l'entoure en posant ma main sur la sienne. Mon toucher provoque la réaction que j'attendais, il plonge ses iris dans les miennes.

- Je suis désolé. Me murmure-t-il en serrant mes doigts entre les siens.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il me prend contre lui. Ses bras encerclent mes épaules et sa tête se cale dans mon cou. Ses mots, cette étreinte, me rappelle les instants où ma colère a disparu, où Rowen m'a calmé quand j'étais effondrée.

Je me serre contre lui, heureuse de sentir sa présence collée ma peau. Nous restons de longues minutes sans parler, fondu l'un contre l'autre. Le jeune homme finit par se relever et se séparer de mon corps. Inconsciemment nos mains se scellent tandis que je demande au garçon.

- Qu'est ce qui s'est passé Rowen ?

L'interpellé détourne le regard mais je l'incite à me répondre.

- Parles-moi, s'il te plait. Je peux t'aider.

Ses pupilles chocolat rencontrent les miennes, débordantes de tristesse.

- Non, tu ne peux pas, personne ne le peut. Je ne fais que du mal autour de moi.

- C'est faux, tu m'as aidé de nombreuses fois et tu as toujours été là pour me soutenir quand ça n'allait pas. Ajoutais-je pour contredire ses paroles.

Rowen continue de me fixer avant de finir par m'avouer.

- Ma mère est venu me voir.

Je reste surprise par sa réponse, sans comprendre pourquoi il s'est mis dans cet état à la visite d'une personne de sa famille. Le garçon continue pour me donner des explications.

- Elle m'a parlé de retourner à l'école.

- Mais c'est super ça ! Cela veut dire que tu vas bientôt sortir.

Le jeune homme hoche négativement de la tête. C'est à cet instant que je comprends sa détresse, son abandon

Ses yeux sont plongés dans les miens mais un détail sur sa joue me transperce. Une larme

Elle est unique mais elle signifie beaucoup de choses. Elle reflète sa douleur. 

Rowen, brisé par cette goutte d'eau, termine son récit en me confiant.

- Je ne remarcherais plus Elma.

CŒUR MORTELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant