Son prénom me hante. Je suis dans la chambre de Rowen, la nuit ne va pas tarder à tomber. Quand le docteur a prononcé ces cinq lettres, mon cœur s'est contracté et je me suis enfermée dans le mutisme du silence. Rowen a expliqué au médecin ce que je lui avais révélé plus tôt et l'incompréhension s'est figé sur son visage. Ensuite, je suis sortie pour rejoindre la chambre du jeune homme et apaiser mon esprit. Je pensais qu'en venant ici les secrets seraient terminés mais ils viennent d'être révélés.
Je suis assise sur le lit du garçon, face à se fenêtre pour plonger mon regard dans l'horizon de la ville. Le jeune unijambiste vient de quitter sa chambre sans m'indiquer ce qu'il allait faire. J'entends la porte s'ouvrir, signe de son retour. Rowen s'approche de moi et je sens sa main infiltrer quelque chose dans mon oreille. Je mets quelques secondes avant de réaliser qu'il s'agit d'une paire d'écouteur. La musique débute et parvient à me détendre.
Pour remercier mon ami, je me tourne vers lui pour rencontrer ses pupilles et ainsi me fondre dedans. Le garçon écarte doucement une de mes mèches brunes pour la caller derrière mon oreille. Ses doigts retrouvent ma joue afin de caresser ma peau.
- Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Demandais-je tout en retenant un sanglot.
- Tu n'es pas la responsable de ce qui t'arrive. Dit le jeune homme assis à mes côtés pour me rassurer.
- Je croyais que l'incident avait détruit ma vie mais je me rends compte qu'elle l'est depuis longtemps.
Je suis rentrée chez moi. Mes parents sont venus et je n'ai pas eu le cœur de résister. Rowen semblait dépassé par mon état mental et malgré toutes ses attentions, rien n'a su me sortir de la pénombre. Le chemin du retour s'est déroulé dans le silence des plus mortuaires et le repas n'a pas été mieux. Avant de monter me coucher ma mère a prononcé mon prénom pour attirer mon attention. Je me suis tourné vers elle et elle n'a que su me dire qu'elle était désolée. Je n'ai rien dit et suis partie sans me retourner. Je ne peux pas leur pardonner, je ne le dois pas. Ils m'ont menti sur l'accident qui s'est passé en 2012, sur l'identité de mon agresseur. Ils m'ont fait oublier Melya. A présent, je suis enfoui sous ma couette, attendant que le sommeil m'emporte loin de ma réalité, de mon passé.
Quand je me réveille, rien ne semble avoir changé. Mon réveil s'est déclenché pour mon départ au lycée et je ne souhaite pas être en retard. Même si ma vie me dépasse totalement, je dois m'abstenir d'avoir un retard scolaire. Ce serait la goutte de trop.
Je m'habille tel un automate, comme si c'était une journée comme les autres. J'attrape mon téléphone et y vois une dizaine de message de la part de Rowen. Je les lis et retient les larmes de couler devant ses mots plus gentils les uns que les autres. Je rédige ma réponse, en essayant d'être convaincante sur mon état : « Je vais bien. Je vais aller au lycée pour me changer les idées et retrouver un semblant de vie normal. Tu me manques déjà. »
Ensuite je descends et déjeune comme je le fais d'habitude. Mes parents mangent aussi, dégageant une tension. Ils ne parlent pas mais je sens leurs regards fixés sur moi. Après avoir pris mon sac de cours et m'apprêtant à sortir de la maison, je me tourne vers eux pour leur dire.
- Au lieu de continuer à me cacher la vérité, vous devriez penser à me l'avouer.
Je sors de la maison sans leur laisser le temps de répondre. Je prends le bus menant au lycée, mes éternels écouteurs glissés dans mes oreilles. La musique est le seul univers dans lequel je me sens entière, vivante. La chanson que j'écoutais avant l'incident se met à resonner contre mes tympans. Un frisson parcourt mon corps au souvenir de cette nuit d'hivers qui restera gravé dans ma mémoire. Contrairement à l'accident qui a ôté la vie de cette petite fille : Melya.
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CŒUR MORTEL
RomanceCette nuit était belle et calme. On revenait d'un repas familial sans drame. La neige reposait sur le bitume. La lune était présente sans amertume. Mes parents étaient à mes côtés. Personne ne prévoyait un danger. Cette nuit, ma joie s'est évaporée...