4_J'en ai presque peur PvI

464 24 2
                                    

La journée s'achevait doucement. Le dîner que j'avais préparé avec Levi était sur le feu et mon petit garnement était sorti. Je soufflais en pensant à tout le temps qui s'était écoulé en sa compagnie. “Encore un jour de passé, combien en reste-t-il désormais ?” était devenu une phrase que je me répétais tous les soirs, en entendant la porte s'ouvrir à son retour. Maintenant qu'il avait grandi, il avait pris l'initiative d'aller lui même nourrir les orphelins, non loin de chez nous. Je me disais alors qu'il avait bien mûri, et qu'il était devenu un beau jeune homme de quinze ans. Enfin, beau, c'était métaphorique. Son âme était belle. La plus belle que j'avais rencontré depuis bien longtemps. Avide de savoir. Toujours l'envie d'aider les autres sans rien attendre en retour. En vérité, un peu comme moi. Mais il était les yeux que je n'avais pas. Toujours en train de m'aider, dans mes travaux au sous-sol, à m'aider à réparer des objets que personne ne connaissait, à écrire à la plume les recherches effectuées sur les lourds ouvrages que je complétais chaque jour, désormais plus seule.

Aujourd'hui encore il m'avait épaté. En violon par exemple. Le dernier vestige de cet instrument qui lui appartenait désormais. Et bien, il en jouait comme je n'en avais jamais entendu. Un son si pur, si doux, et une mélodie créé il y a des centaines d'années qu'il jouait littéralement à la perfection. J'étais très fière de lui. Pour tout cela. Mais j'avais un peu peur. Il n'avait pas froid aux yeux devant les malfrats. Il osait se battre, sans retenue, et avait un réseau, étendu, que je n'aimais pas trop. Mais je ne disais rien. Je savais qu'il devait faire ses preuves dans le monde, et que je ne pouvais l'aider. Il avait besoin d'espace, pas d'une maman poule. Il devait prendre son envol, créé des liens par lui-même, s'épanouir davantage. Et la seule chose que je pouvais lui apporter dans certains cas difficile était le self défense ainsi que des techniques anciennes de combats. Il était fort, très fort pour mémoriser tout ce que je lui disais, et il apprenait très vite à mettre en application mes conseils. En revanche, j'avais toujours l'angoisse d'un accident. Je ne savais si je pourrais le retrouver à temps, ou même, je me demandais si c'était bien lui mon sauveur … je ne voulais pas m'être trompé, et en même temps, j'avais extrêmement confiance en lui.

Mais toutes mes questions et mes pensées s'envolèrent quand la porte de l'entrée claqua violemment et que j'entendis son souffle saccadé ainsi que le son de son sang dégoulinant sur le carrelage. Je me levais d'un bond en me précipitant vers lui.

- M'an, murmura-t-il difficilement en faisant quelques pas non contrôlés vers moi.

Je me rapprochais aussi vite que je le pus, sentant qu'il tombait à la renverse.

- Je te tiens, je te tiens, ça va aller, ne t'en fais pas …

Le tenant contre moi, je passais mes mains sur son torse et y découvrait de très méchantes entailles, traversant de part et d'autre son torse musclé. Le sang coulait beaucoup trop à mon goût, et je me débrouillais tant bien que mal pour le soulever et le prendre dans mes bras. Devenu plus grands que moi et plus lourd, j'avais un peu plus de mal à le porter, car je ne devais pas utiliser toutes mes forces. Il toussa, puis posant sa main sur ma joue, il murmura :

- Je suis désolée, m'an. J'ai bousillé mes vêtements …

Je pouffais en montant les escaliers rapidement.

- Je m'en contrefiche de tes habits. Tout ce que je souhaite, c'est que tu vives. Donc tu as intérêt à t’accrocher, me suis-je bien faite entendre mon petit Levi !?

- Oui, m'an … et … je ne suis plus ... si petit que … ça !

“Je le sais bien, je le sens tous les jours que tu grandis. Peu à peu, petits centimètres par petits centimètres, mais tu grandis quand même.”

Je le serrais légèrement plus contre moi. Puis, arrivant dans ma chambre, je le déposais doucement sur mon lit, et en quatrième vitesse, allais dans la salle de bain et ramassais le nécessaire pour le soigner.

Quand je reviens auprès de lui, comme j'en avais l'habitude, je lui donnais une petite gélule anesthésiante, puis nettoyais rapidement ses plaies, et les refermais aussitôt tout en prenant soin de le faire souffrir le moins possible. Puis je passais un bandage le long de son torse, serrant juste ce qu'il fallait. Je posais alors ma mains sur sa joue. Elle était humide, et je sentais sa mâchoire contractée. Je pris alors un gant de toilette que j'humidifiais et le lui posais sur le front après le lui avoir passé sur le visage. Il semblait avoir les yeux ouverts et me fixer. Soudain, sa main se posa sur ma joue, et sur mes doigts roulèrent une larme. Une unique larme, juste avant que je ne sente sa respiration se faire plus lente et sentant que les traits de son visage finissaient par se détendre. Je souriais, à moitié heureuse qu'il soit sain et sauf, à moitié en me demandant qu'elle noise il avait encore été cherché. Je posais ma tête sur son ventre, fermant les yeux.

J'étais épuisée d'un coup.

Vidée.

Je n'avais qu'une envie, celle de dormir. Je me sentais partir dans les vapes, mais j'eus le réflexe de me relever et de ranger la chambre du blessé, qui était en fait la mienne. Une fois le tout propre, je descendais les escaliers en douceur, versant dans une assiette la soupe encore chaude. Je remplissais une cruche d'eau, la posais sur un plateau avec l'assiette et une cuillère, ainsi qu'un autre comprimé contre la douleur. Je remontais alors dans la chambre et posais le tout sur la table de nuit, mettant l'assiette sous une cloche afin de garder la chaleur. Puis, je m'assis sur mon lit, à côté de lui. Je fermais les yeux, un court instant, et finis par m'allonger, me tournant vers lui. J'avançais ma mains jusqu'à ce que le bout de mon doigt touche son bras. Il était tiède, et bougeait lentement, au rythme de sa respiration. C'était apaisant. Tellement apaisant que je finis par m'assoupir.

- Te sauver, Ma priorité - Part1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant