10

2.9K 253 50
                                    

Lise

Comme me l'avait dit Sutton, les résultats sont arrivés peu avant treize heures alors que je rentrais d'une longue promenade (très longue). J'imagine que toute demande provenant de la famille royale est prise tout de suite en considération et que la ponctualité est une qualité essentielle ici. Aussitôt que les tests ont été terminés, un homme s'est chargé du transfert des résultats sans plus attendre. Plusieurs hommes ? Cela ne m'étonnerait pas au vu de la confidentialité du papier en question.

Sutton m'attendait devant la porte de ma chambre (suite conviendrait mieux pour désigner la pièce que j'occupe). Je l'ai trouvé très confiant aux premiers abords. Plutôt tendu lorsque nous sommes rentrés dans la chambre.

Nous voilà de nouveau installés autour de la petite table ronde en marbre où une seule chose est posée. Une chose toute fine, tellement facile à détruire.

— Est-ce qu'ils sont au courant des résultats ?

— Non. Ils ont préféré attendre de revenir de leur engagement, de crainte que quelqu'un ne puisse voir ledit papier. Ils ont décidé d'annuler leur dernier rendez-vous cependant. Ils ne devraient donc plus tarder.

— Dois-je les attendre ?

— Non, il s'agit de votre exemplaire. Vous pouvez l'ouvrir. Si vous le souhaitez, je peux sortir.

— Je n'ai pas envie d'être seule. Parce que je sais qu'en ouvrant ce papier, ma vie va prendre un tout autre chemin et il y a des chances pour que je me remette à pleurer. Alors je sais que vous n'en avez pas le droit normalement, mais si ça arrive... J'espère que vous referez une entorse au règlement. Enfin, au protocole ou je ne sais pas trop comment vous appelez ça.

— Respirez, me conseille-t-il. Prenez une grande respiration et lancez-vous.

— Vous avez raison. Réfléchir et ruminer, ça ne me réussit pas du tout.

Poussée par je ne sais quelle force, j'attrape l'enveloppe et l'ouvre — l'arrache ? – avant d'en dégager son contenu : quelques feuilles qui scellent ma vie. Mes yeux glissent rapidement sur les premières phases et je tente de ne rien laisser paraître.

— Où est-ce que je dois les retrouver ? demandé-je très calmement.

— Dans le petit salon de la dernière fois, me répond-il perplexe. Est-ce que tout va bien ?

— J'en sais trop rien. Je m'attendais à sortir de cet état second dans lequel je suis, de me prendre une claque en pleine figure. À la place, vous savez ce que je ressens ?

— Quoi donc ?

— Du soulagement... Et c'est vraiment étrange. Je pensais repartir dans la colère, la tristesse, le tourment. J'étais persuadée que j'allais me remettre à pleurer.

— Je dois bien vous avouer, mademoiselle, que j'ai du mal à vous suivre.

— Moi aussi, j'ai du mal à me suivre, monsieur Sutton. Avec le recul, je comprendrais peut-être pourquoi je ressens ça, là, tout de suite. Mais pas maintenant. Maintenant, il faut que j'aille dans le petit salon, rassembler les pièces du puzzle. De mon puzzle et je ne m'enfuirai pas.

— Je dois dire que vous m'impressionnez beaucoup.

Je le remercie d'un sourire avant de me lever et de me saisir du carnet que j'avais rangé dans ma valise. Aiden y jette un œil furtif sans pour autant me poser des questions et ça, ça me fait du bien. Je n'avais pas encore envie de me sentir épiée ou de devoir donner des explications sur un objet qui est, aujourd'hui, très précieux à mes yeux. Nous sortons ensuite, sous les yeux sérieux de Thomas et Toby.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant