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Adélaïde

Il y a eu quelques secondes de silence où tous se sont tournés vers la Reine Lucie, ma grand-mère maternelle. C'est assez étrange d'ailleurs, n'ayant jamais eu de grands-parents. Ni d'oncles, de tantes, de cousines et de cousins. Ce sont des mots que je vais devoir apprendre à utiliser, à adopter, à aimer.

— Adélaïde ? répète Élise.

Cette fois, c'est ma grand-mère paternelle qui a pris la parole et qui est bien perplexe face à cette révélation qu'elle n'arrive pas à comprendre. Que la plupart ne peuvent concevoir. Je ne peux pas leur en vouloir ou être surpris par leur réaction, ou non-réaction, moi-même je suis passée par là il n'y a pas si longtemps. Je ne l'ai pas cru. J'ai voulu fuir à certains moments, rire à d'autres.

— Helen, Robert, reprend-elle, expliquez-vous. Quelle est donc cette histoire ? Est-ce...

Ses mots se perdent dans sa surprise. Son fils, mon père, se lève et caresse la main de ma mère avant d'ancrer son regard dans le mien, un sourire apaisé aux lèvres.

— Il y a quelques semaines, nous avons été informés d'une piste. Une piste très sérieuse, ce qui n'était pas arrivé depuis ce sombre premier mai, il y a seize ans de cela.

Le roi contourne la chaise de son épouse avant de s'approcher de moi et de me tendre sa main. La douceur dans son regard me ferait presque oublier l'endroit où je me trouve et les personnes qui nous regardent. J'attrape sa main dont le contact m'apaise presque aussitôt.

— Une piste si sérieuse, poursuit-il en se tournant vers les membres de notre famille, que nous avons finalement retrouvé notre fille. Perdue depuis si longtemps...

— Je n'arrive pas à y croire, laisse échapper la Reine Lucie, choquée.

— C'est pourtant bien elle, maman, lui certifie Ernest très calmement.

Mère et fils se jaugent du regard avant qu'elle ne comprenne enfin.

— Tu ne sembles pas être sous le choc comme nous autres, Ernie, lui fait-elle remarquer.

Ernest lance un regard à sa sœur, un rictus maladroit aux lèvres.

— Ernest était le seul autre membre de la famille à avoir été mis au courant, explique ma mère à la Reine Lucie.

— Ne crois-tu pas que tu aurais dû prévenir ta mère avant ? se plaint-elle faussement.

Je ne peux m'empêcher de laisser un rire discret s'échapper. Dans un moment comme celui-ci, on s'attarde sur les petites choses, le temps que le cerveau s'adapte à la situation. Là encore, je suis passée par là, j'en sais quelque chose. Je crois avoir posé des questions peu utiles dès notre première rencontre. Du moins, je crois, c'est un peu flou.

— Maman, s'il te plaît, ce n'est pas vraiment le moment pour ça. Je t'expliquerai pour quoi il a été...

— C'est moi, je prends la parole.

Tous les regards se tournent à nouveau vers moi. C'est la première fois qu'ils entendent le son de ma voix et ça ne fait que me rendre plus réelle à leurs yeux.

— C'est moi qui ai demandé à rencontrer Ernest.

— Et tu ne voulais pas rencontrer ton adorable grand-mère ? me questionne-t-elle d'un ton espiègle.

— Je voulais tous vous rencontrer, mais pas à ce moment-là. Je n'étais pas vraiment prête...

La Reine Lucie quitte la table avant de s'approcher de moi, les yeux embués. Sa fille est juste derrière, inquiète et prête à la rattraper si besoin.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant