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Lise

Il n'y a qu'un mur et une vitre entre eux et moi. Je me tiens derrière le faux miroir. Elle n'est pas bête, elle sait qu'elle est surveillée, mais elle ignore que je suis là, juste à quelques mètres, à l'observer. S'attend-elle à me voir ? Certainement pas. J'appréhende sa réaction, comme j'appréhende la mienne. J'ignore quels seront mes premiers mots ou le sentiment qui m'animera en premier. J'ai peur de m'enfuir de la pièce. Peur de me mettre à pleurer et de lui montrer tout le mal qu'elle m'a fait. Je veux être forte, mais je ne peux être invincible et totalement dénuée d'émotions.

— Un geste de la main et nous sortons, me rappelle-t-il son regard posé sur moi.

Il redoute les prochaines minutes et c'est compréhensible.

— Souhaitez-vous vraiment commencer par elle ?

Je perçois une certaine crainte dans sa voix. Comme si lui était préférable.

— Pourquoi cette question ? je l'interroge avec curiosité.

— Disons qu'il s'est montré beaucoup plus... ouvert qu'elle cette dernière semaine. Je pense que vous risquez de perdre votre temps et votre énergie avec elle.

— Vous avez sûrement raison, mais si elle est plus froide, c'est par elle que je dois commencer. Je ne pense pas avoir la force suffisante de la voir si je commence par lui.

— Comme vous voulez, mademoiselle.

— Bien... Je crois qu'il est temps d'y aller, fais-je savoir à la sécurité.

L'homme en question, chargé de surveiller la cellule durant ses heures de travail, laisse glisser une carte magnétique à travers la fente située juste à côté de la porte. Cette dernière émet un bruit tandis qu'Aiden l'ouvre. J'aperçois, grâce au miroir, la tête blasée d'une femme persuadée de faire à nouveau face à un agent des renseignements. Ses traits laissent apparaître un soupçon de surprise lorsque je fais mes premiers pas dans la pièce. Néanmoins, ils se durcissent en un rien de temps, laissant apparaître la femme froide que j'ai quittée vendredi dernier. Derrière moi, la porte se ferme tandis qu'Aiden prend place dans un coin de la pièce, attentif. Je lui lance un regard furtif, inquiète.

— Quelle surprise, laisse-t-elle échapper d'un ton ironique.

Je n'ai pas peur. Non, je suis plutôt en colère et à deux doigts de lui mettre mon poing dans son visage. Je ne le fais évidemment pas, cela ne me servira à rien et provoquera plus de mal que de bien.

— Que me vaut cet honneur ? poursuit-elle avec dédain. J'ignorais que les visites familiales étaient autorisées.

— Vous n'êtes pas ma famille.

— C'est moi qui t'ai éduquée, me rappelle-t-elle, amusée.

— Oh, vous voulez dire, après m'avoir kidnappée ? Vous m'avez enlevée à ma famille et m'avez menti pendant plus de seize ans. Ce n'est pas ça, une famille ! protesté-je avec rage.

— Crois-moi, ta vie aurait été plus heureuse si tu l'avais poursuivie avec nous qu'avec eux. Les princesses de contes de fées, ça n'existe pas dans la vraie vie.

— Ce n'était pas à vous de savoir où j'allais être la plus heureuse. De toute façon, la question n'est pas là. Ce n'est pas ça qui vous importait lorsque vous m'avez enlevée. Alors, évitez de parler de mon bonheur, de ma santé ou que sais-je pour... pour quoi déjà ? Rendre vos actes plus louables ?

— Bon, qu'est-ce que tu veux ? Que je te dise à quel point je regrette ? suppose-t-elle en riant. Devine quoi, ça n'arrivera pas ? Si c'était le cas, je t'aurais déjà rendue.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant