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Adélaïde

Nous nous sommes séparés peu après quatorze heures en deux groupes : les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. À lancer une idée dans la précipitation, j'en ai oublié quelques points importants comme mon accoutrement. Si je n'ai eu d'autres choix que d'utiliser mes vêtements de lycéenne ordinaire ces deux dernières semaines, je ne peux tout de même pas me permettre de me dîner en jeans et en t-shirt de rock avec toute la famille réunie. Ils seront probablement tous sur leur trente-et-un et je suis étonnée que ma mère ne m'ait pas fait elle-même la réflexion. S'attendait-elle vraiment à ce que je débarque dans mes vêtements habituels ?

— Il doit sûrement rester quelques vêtements que je portais lorsque j'avais ton âge. Pas tous, mais au moins mes robes préférées. Cela fait une éternité que je ne suis pas allée dans mon ancienne chambre. Personne ne l'occupe d'ailleurs, ce sont des appartements que nous devons rénover, mais nous n'avons jamais vraiment trouvé le temps d'y réfléchir.

Nous montons plusieurs marches pour atteindre le quatrième étage, celui juste en dessous du grenier d'après les explications que me donne Lilianna, entre deux commentaires nostalgiques de notre mère.

— Je crois qu'on doit faire la même taille. Enfin, je faisais la même taille que toi. Quoiqu'à bien y penser, je devais avoir quelques kilos en plus que toi.

À la voir ainsi, les mots s'envolant de sa bouche à une vitesse hallucinante et le pas pressé, il me paraît évident que le stress commence à l'envahir. D'un côté, je me sens moins seule, de l'autre, son anxiété ne fait qu'accentuer la mienne.

Nous atteignons ce qui me paraît être une chambre. Seul le lit m'en a donné une indication, car les autres meubles sont couverts de draps blancs.

— Et ça fait combien de temps que ces pièces sont inoccupées ? questionné-je notre mère, peu convaincue.

— Une vingtaine d'années, me répond-elle.

— Donc, il y a des vêtements d'une vingtaine d'années, quelque part dans cette pièce. Et tu crois qu'ils seront toujours en bon état ?

— Bien sûr, la gouvernante s'assure de les rafraîchir plusieurs fois par an.

— Évidemment, où avais-je la tête ? lui accordé-je d'une voix légèrement ironique.

Elle attrape l'un des voiles protégeant un meuble qui se révèle être la penderie. Elle l'ouvre sans attendre et fait glisser les tringles sur la barre en métal. Je m'approche timidement de quelques pas, jetant un œil aux vêtements que je vois passer avant d'être éjectés d'un geste de sa main.

— Tu as une couleur de préférence ? m'interroge-t-elle. Le mieux, ce serait quelque chose d'assez classique, mais pas trop bouffant. La plupart des robes que j'ai gardées proviennent de bal ou d'événements importants. Je ne voudrais pas que tu te sentes trop dépareillée par rapport aux autres membres de la famille. Si tu portes tes vêtements, tu seras bien trop décontractée et si j'utilise l'une de ces robes, tu seras bien trop sur ton trente-et-un.

— Je n'avais pas pensé à tous ces détails lorsque j'ai proposé cette folle idée, m'excusé-je à moitié.

— Nous non plus, me rassure-t-elle, nous étions tellement emballés que l'organisation et les détails nous sont sortis de la tête. J'espère que Madame Millet ne nous a pas fait une crise cardiaque lorsque mon secrétaire particulier lui a annoncé ce changement de programme, s'imagine-t-elle la seule en lâchant un rire.

— Oh, pourquoi pas celle-là, maman ? intervient Lilianna.

Ma jeune sœur nous bouscule légèrement avant d'attraper le pan d'une robe bleu clair.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant