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Lise


Ils hésitent. Ce que je peux totalement comprendre. Si j'étais dans leur position, j'aurais eu la même réaction. Malheureusement, l'idée est sortie et je n'y renoncerai pas. Je tiens à peu de choses, mes envies et mes besoins sont pratiquement tout ce qu'il me reste et il sera presque impossible de me retirer une telle idée de la tête.

— Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

Je m'attendais à ce genre de réponses, ça ne m'arrête pas dans mon élan, ni ne m'ennuie. Je me tourne vers eux, le regard déterminé et les bras croisés.

— Je sais, mais j'en ai besoin. Je ne sais pas comment l'expliquer. Je sais juste que je sens que ça pourrait m'aider.

— T'aider ? répète mon père sans comprendre. Comment ?

— J'en sais trop rien. Je le sens, c'est tout.

Tous deux se jettent un regard. Je crois que j'ai touché un point sensible.

— J'ignore si le gouvernement le permettra, m'informe-t-elle en pleine réflexion. J'en parlerai à monsieur Sutton demain.

— Non, je veux les voir ce soir.

J'ai peur de me réveiller demain matin et de ne plus me sentir assez forte pour soutenir leur regard. Une nuit peut tout remettre en perspective. Je ne veux pas attendre, je ne veux pas que cette volonté ne ternisse au fil des jours. Mes tripes me disent de le faire le plus vite possible.

— Le plus tôt sera le mieux, rajouté-je les sourcils froncés. Pour tout le monde. Je ne veux pas retarder les choses. Ces derniers jours me paraissent être des années, attendre serait une torture.

Il faut que je les affronte et que je puisse avoir des réponses aux questions qui me hantent depuis que j'ai appris leur véritable identité. Je ne sais pas encore très bien lequel des deux me fait le plus peur. Elle et sa froideur ou lui et ses yeux larmoyants ? Usait-il de comédie comme ces seize dernières années ?

— J'ai peur de ne plus en être capable demain matin, avoué-je dans un soupir. Peur de ne plus jamais en être capable et de vivre avec ce regret. Ces seize dernières années, je n'ai rien pu vous demander. Je n'ai pas pu vous soudoyer de mon sourire d'enfant pour qu'on me lise encore une histoire, je n'ai pas pu vous réquisitionner pour les devoirs, je n'ai pas pu vous assaillir de questions en tous genres. Je n'ai pas pu, car ces deux personnes nous ont privés mutuellement l'un de l'autre. Alors, je demande une faveur. Une seule faveur. Celle d'aller les voir.

C'est douloureux. Si douloureux de penser que cela aurait pu être eux dans tous les souvenirs que je possède. La vie aurait été bien différente, mais la relation aurait pu être pareille. J'aurais pu avoir des histoires avant d'aller dormir, des jeux de société durant de longues après-midi. Des soirées à rire. Des soirées à se disputer avec... Non, je ne peux pas encore penser à eux et les inclure trop.

— Très bien, finit-elle par dire avec appréhension. Allons voir Sutton.

Je ne pensais pas que ce serait facile. Enfin non, plutôt rapide. Trop rapide même, je me dois de rattraper le couple royal qui sont déjà en dehors de la pièce. Thomas et Toby, quant à eux, me regardent avec un air incompris. Cette fois-ci, c'est derrière le roi et la reine qu'ils vont devoir courir et non moi !

— Pouvons-nous faire quelque chose pour vous, Votre Majesté ? s'enquit de demander un Thomas, très surpris.

— Nous allons voir Sutton, Thomas. Et je crois que nous aurons besoin de vous deux, d'ailleurs.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant