Chapitre 2

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Jason était dans la salle de bain, occupé à dompter sa crinière. Ce fut un échec cuisant. Ses cheveux n'étaient plus que nœuds et épis, si bien qu'il dut les remouiller pour en faire quelque chose de très abstrait. Scott squattait la salle de bain de la chambre d'amis. Le brun, en venant le matin, avait déjà tout planifié. Un sac d'affaires se trouvait dans le coffre de sa voiture, car honnêtement, il ne comptait pas rentrer chez lui avant le lendemain après-midi, minimum. Habillé d'un simple jean et d'un tee-shirt blanc, Scott attendait le mécheux dans le salon, observant les différentes photos, les différents trophées et autres articles. Il connaissait tout ça par cœur, mais il aimait les contempler. Jason, malgré son talent et sa célébrité, n'était pas sûr de lui. Tout cela servait d'abord à se remémorer ces magnifiques moments, mais surtout à lui prouver qu'il avait réussi là où toute sa famille pensait le voir échouer. Sur beaucoup de clichés, Scott était là, un bras autour des épaules du châtain, ou carrément autour de sa taille. Jason mettait un point d'honneur à ce que le brun soit sur les photos lorsqu'il gagnait une récompense. Selon lui, Scott était la clé de ces récompenses, il était toujours là pour le motiver et lui botter les fesses s'il se mettait à douter.

- Tu te rappelles la toute première récompense ? demanda Jason en se postant aux côtés de Scott, face aux photos.
- Et comment que je m'en souviens ! Je crois avoir pleuré plus que toi. J'étais vraiment fier de te voir sur cette scène pour récupérer ton prix, répondit-il avec émotion.

À ce moment-là, ils ne se connaissaient que depuis quelques mois. Mais c'était comme s'ils se connaissaient depuis toujours.

- Ça, c'est impossible. Personne n'aurait pu pleurer plus que moi, ce jour-là. C'était comme si j'avais accompli ce pour quoi j'étais né. Genre, je pouvais mourir en paix, répliqua le mécheux, tout aussi ému que Scott.
- Normal. C'est à ce moment-là que ta famille s'est rendu compte que tu étais bien plus doué qu'eux et que tu pouvais réussir tout ce que tu entreprenais.
- En attendant, ils ne sont pas là quand je reçois d'autres prix ou pour les concerts auxquels je les invite. Et ça fait un peu plus mal à chaque fois, ajouta-t-il, une once de tristesse traversant sa voix.
- Tu devrais arrêter de t'acharner comme ça, Jason. Ils espéraient te voir échouer, ils te l'ont dit. Ils ne vont pas assister à ton succès alors qu'ils ne voulaient pas te voir réussir. Tu comprends ? Tu as du talent, tu as une voix en or et ça t'a propulsé sous le feu des projecteurs. Tes chansons sont le reflet de ton âme, et tout ça, c'est toi, et toi seul, qui l'a construit. Fais-toi à l'idée qu'ils ne reconnaîtront jamais ouvertement ta réussite et ton talent. Tu les verras la prochaine fois que tu retourneras chez toi, termina le brun en passant un bras autour des épaules de Jason qui essuya les quelques larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Toi tu as besoin d'un remontant. Allez viens, j'ai appelé un taxi qui nous attend devant.

Les deux hommes prirent leurs affaires et montèrent dans le taxi qui les attendait. Scott donna une adresse et se laissa retomber contre le dossier du siège, le regard dans le vague. Un jour, il aurait l'audace de parler à cœur ouvert avec Jason. Mais pour le moment, le mécheux avait surtout besoin de penser à autre chose qu'à sa famille incapable d'accepter sa réussite. La famille du brun était bien plus enjouée concernant leur réussite à tous les deux, ils étaient devenus tellement familiers que Jason appelait la mère de Scott "maman". Non pas qu'il la prenait pour sa mère, c'était surtout affectueux et ça ne dérangeait personne dans la famille. Pour eux, c'était tout à fait normal.

Jason, lui, était de nouveau dans ses pensées. Sa famille l'avait brisé, lorsqu'il était plus jeune. "On ne devient pas chanteur, ce n'est pas un métier. Et pour chanter, il faut avoir du talent. Et tu n'en as pas. Tu deviendras menuisier, comme moi.", lui avait dit son père. Cette phrase n'avait jamais cessé de tourner en boucle dans l'esprit du chanteur depuis toutes ces années. Il avait même écrit une chanson sur cette facette de sa vie. Mais il ne l'avait jamais enregistrée, et ne l'avait jamais montrée à qui que ce soit, pas même à Scott. Parfois, le mécheux n'arrivait pas à dire les choses simples qu'il ressentait, comme la gratitude, la joie, l'amour... Alors il le disait en chanson, ou à travers ses gestes. C'est pour cette raison qu'il attrapa simplement la main de Scott, la serrant tendrement pour le remercier d'être là et de croire en lui et en ses rêves.

On vit la nuit pour mourir un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant