65 - Les Portes de TianLong

68 13 13
                                    

Akio appuya son front contre la paroi froide de sa cellule et ferma les yeux. Ils ne lui servaient à rien entre ces quatre murs aveugles. Il passait le plus clair de ses journées dans le noir, à s'angoisser pour tout : la santé mentale de son frère, l'avenir de Drakkon, pour Yu. Heureusement, Masao venait presque quotidiennement le voir et le faisait sortir pour quelques instants précieux où ils se promenaient sans réelle intimité, surveillés par les yeux d'aigle des gardiens. Mais le jeune homme se consolait de revoir la lumière du jour, et de ne pas encore avoir la tête séparée du corps. Il en profitait alors pour discuter affaires d'État avec le général, seul moyen que l'un et l'autre avaient trouvé pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l'être.

Le bruit familier du verrou tira le prince de sa réflexion et il se redressa, plissant les yeux lorsque le rai de lumière perça l'obscurité immuable de sa prison. Il n'avait pas mis un pied dehors depuis plusieurs jours – il avait perdu le compte exact, enfermé dans le noir. Fébrilement, il s'avança vers la porte et sortit, retrouvant son mentor et protecteur comme à son habitude, vêtu de pied en cap comme s'il partait à la guerre, le regard soucieux et les traits tirés. Il semblait à Akio que le vieux soldat avait pris dix ans en son absence. Ce qui était compréhensible au regard de la santé mentale de l'empereur et de l'invasion Ecthrosienne.

Ils marchèrent côte à côte en silence dans le long corridor humide et rocailleux, puis dans les escaliers, jusqu'à la cour étroite et bien gardée, balayée par une neige molle qui les trempa presque aussi rapidement qu'une pluie d'automne. Néanmoins, Akio l'apprécia comme une première bouffée d'air après une éternité.

Le silence s'éternisant, le jeune homme sentit son cœur battre plus vite et des fourmis envahir ses mains, tandis que sa peau se refroidissait brusquement. Il flairait une nouvelle qu'il ne voulait pas connaître. Pourtant, il obligea le général à s'arrêter et le regarder en face pour lui parler.

— Que se passe-t-il ?

Il craignait le pire, mais ne l'avait-il pas déjà imaginé sous toutes ses formes les plus abominables ?

Masao ne chercha pas à se dérober. Il fixa le nez de son protégé, comme il l'avait toujours fait – il ignorait que l'interdiction de regarder un Fils du Ciel dans les yeux ne s'appliquait en réalité ni à lui ni à son frère.

— Khoomei est aux portes de TianLong.

Akio cessa brusquement de respirer, retenant son souffle.

— Le général Eiji et le seigneur Rai ont échoué dans le Nord à retenir l'armée Ecthrosienne, et nous ignorons s'ils sont encore en vie. J'ai réussi à faire prévenir les généraux Taiki, Mitsuhide et Kyogo de quérir les armées des seigneurs du Sud, de l'Ouest et de l'Est, mais nous ignorons encore s'ils sont parvenus à les convaincre. Ce que je sais, en revanche, c'est que nous sommes seuls face à notre ennemi. Si les armées des seigneurs Satomi, Nariaki et Kiminari ne rallient pas la capitale dans les prochains jours, nous serons écrasés.

Le prince reprit enfin son souffle, en tressaillant. Tout ce temps il avait gardé espoir que les rumeurs de guerre aient poussé tous les soldats de l'empire à rallier la capitale. Mais entre le seigneur Satomi qui ne lèverait pas le petit doigt pour sauver les usurpateurs, et l'armée décimée du seigneur Rai, ils ne pouvaient plus compter que sur Nariaki et Kiminari. Même ces deux-là s'étaient révélés incapables de leur venir en aide, au bout du compte. Tous ses espoirs s'étaient envolés comme les oiseaux à la venue de l'hiver. Même Yu n'était plus là.

Ses sombres pensées s'égarant dans ses souvenirs de la jeune femme, Masao du se racler la gorge pour le rappeler à la réalité.

— Les seigneurs des quatre portes de TianLong ont barricadé celle dont ils ont la garde, et mobilisé tous leurs hommes, expliqua Masao. Certains habitants ont pu être évacués par le Sud mais il en reste encore beaucoup dans la cité. Nous sommes en train de les faire entrer dans l'enceinte du palais. Les rues seront le premier champ de bataille ; Khoomei entrera ensuite dans le palais. Cependant, si son armée arrive jusque-là, il n'y aura plus grand monde pour l'arrêter, ni grand-chose a protéger.

Drakkon - I - Le masque du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant