Drakkon - I - Le masque du dragon

20 - Le divertissement d'un empereur (2/2)

Bien que pâle et soudain mal à l'aise, Yu se prosterna pratiquement devant lui, le cœur battant la chamade. Il ne pouvait pas tomber à un pire moment ; Akio était au palais, très certainement, et Senlinn était quelque part avec lui. Ils étaient donc terriblement seuls.

— Votre Majesté Impériale, soyez le bienvenu au Pavillon de la Lune.

Elle avait beau avoir le droit de lui refuser l'accès au pavillon sous prétexte que l'énergie solaire qu'il apportait avec lui perturberait l'harmonie lunaire du lieu, il était empereur et elle ne pouvait pas le renvoyer à sa guise comme un vulgaire serviteur.

Keishi s'inclina lui aussi, avec politesse et respect. Il semblait plus calme que la veille, et aussi plus poli et mesuré, comme s'il avait réalisé que son coup d'éclat n'avait été que le caprice d'un enfant gâté.

— Souhaitez-vous que je prépare du thé ? s'enquit Rona sachant que Senlinn s'était absentée.

— Ce ne sera pas nécessaire, assura l'empereur en la congédiant d'un signe.

Yu sentit son cœur manquer un battement. Elle interprétait ce refus comme une volonté de l'empereur de se retrouver seul avec elle. Elle ne savait pas si elle devait s'en inquiéter ou trouver cela flatteur. La première option était certainement la meilleure.

S'inclinant à nouveau pour prendre congé, Rona s'éloigna sans se retourner, laissant Yu et Keishi seuls au Pavillon de la Lune.

La maîtresse des lieux fit entrer son invité pour le mener dans la pièce principale où une petite table basse entourée de coussins trônait fièrement. Elle était en bois sombre comme la nuit, mais s'harmonisait parfaitement avec le reste de la pièce dont les grandes ouvertures donnaient directement sur le Jardin de la Lune que Yu affectionnait tant.

— Je vous en prie, faites comme bon vous semble, l'invita la jeune femme.

Elle n'avait jamais reçu personne hormis Akio et ne connaissait rien de l'art d'être hôtesse. Tout était tellement informel et libérateur, avec Akio !

Keishi s'installa poliment, sans commenter son éventuelle maladresse et inexpérience. Il s'assit en tailleur sur les coussins et croisa ses bras dans ses manches. Par respect, Yu s'assit à son côté gauche, face au jardin. Elle n'avait pas à s'assoir en face de l'empereur à moins qu'il ne le lui dise explicitement.

— Dame HuaYu, je suis venu m'excuser pour mon comportement d'hier. Je vous prie de pardonner à l'homme que je suis son impolitesse envers une dame confuse et loin de chez elle, lâcha finalement Keishi, la tête baissée en signe de pardon.

Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent d'incrédulité. Si elle redoutait la prochaine confrontation avec l'empereur, elle ne s'attendait certainement pas à ce qu'il lui présente des excuses, et encore moins de cette façon.

— Ne vous excusez pas, tout est de ma faute. J'en prends l'entière responsabilité. Je n'aurais jamais dû me comporter avec vous comme je l'ai fait dans cette bibliothèque, tenta de le tempérer la jeune femme.

En l'absence d'Akio, elle avait l'impression de marcher sur des œufs dès qu'elle ouvrait la bouche. Keishi releva la tête et sourit gentiment. Cet homme semblait radicalement différent de celui qu'elle avait rencontré la veille. Était-ce à cause de la présence d'Akio ou en raison de son comportement juste avant qui avait rendu l'empereur si désagréable, la veille ?

— Me voilà rassuré, admit-il. Je craignais que nous ne soyons partis sur de mauvaises bases. J'ai été un peu pris au dépourvu et me suis mal comporté. J'espérais pouvoir faire amende honorable en vous accordant un peu de mon temps pour corriger cette erreur.