Drakkon - I - Le masque du dragon

25 - Préparatifs de mariage (1/2)

— Alors je lui ai tout raconté, conclut Yu d'une voix posée.

Elle dînait avec Akio au Pavillon du Soleil, comme à son habitude, et venait de lui avouer ce qui s'était passé dans l'après-midi avec l'empereur. Elle savait qu'il réagirait mal à cette nouvelle, mais elle préférait encore le tenir au courant plutôt qu'il ne l'apprenne de quelqu'un d'autre ; de son frère, par exemple.

Le prince posa ses baguettes à côté de son bol un peu trop calmement.

— Tu lui as tout raconté ? reprit-il.

— Dans les grandes lignes, oui. Que tu avais déjà vu mes yeux avant de m'emmener avec toi au palais, par exemple.

Il détourna le regard, faisait un effort visible pour rester calme et ne pas laisser sa colère et d'autres sentiments puissants prendre le dessus. Yu n'était pas dupe, l'attention que lui portait Keishi était insupportable à Akio. Tout comme Keishi semblait voir d'un œil de moins en moins bienveillant le fait qu'elle vive au Pavillon de la Lune.

Mu par un instinct qui la dépassait, elle se leva et contourna la table pour se tenir derrière le jeune homme. Là, elle posa doucement ses mains sur ses épaules et les lui massa lentement. Senlinn le lui faisait souvent et elle en appréciait énormément les effets. Elle lui avait également enseigné les gestes comme sa maîtresse demandait toujours à apprendre des choses nouvelles. Elle ne fut pas déçue, car Akio se détendit doucement à ce contact.

— Je ne savais pas que tu étais si douée en massage..., murmura-t-il en fermant les yeux. Si j'avais su, j'aurai demandé à Rona de venir te chercher au lieu de la laisser me le faire.

Yu sourit de toutes ses dents, très fière d'elle.

— Tu sauras, pour la prochaine fois. Mais je doute de pouvoir rivaliser avec son expérience.

Il rouvrit les yeux et se tourna à demi vers elle, mettant fin au massage.

— Peut-être, mais le tien me fait deux fois plus d'effet.

Elle rougit et le laissa l'attirer sur ses genoux et la serrer contre lui.

— Excuse-moi de réagir de cette façon, souffla-t-il, les yeux dans le vague. Je suis seulement... terriblement...

— ... jaloux, compléta-t-elle en le regardant avec un sourire.

Elle lui caressa doucement le visage, savourant avec un plaisir non dissimulé de pouvoir le détailler sans les œillères de son masque. Il était si jeune, si beau, si valeureux, et tout à elle.

Elle se pencha pour l'embrasser tout en prenant conscience que leur comportement l'un envers l'autre était loin d'être conventionnel et protocolaire. Akio avait dit une fois, en riant, qu'en les regardant de là où elle était, sa mère devait se retourner dans sa tombe. Celle de Yu le devait aussi, certainement, mais plus par horreur de constater que sa fille était en train de maudire le prince que parce qu'ils ne respectaient aucune des règles.

— Effectivement, concéda-t-il de mauvaise grâce lorsqu'elle eut relâché ses lèvres. Je suis jaloux. Et surtout, je n'aime pas l'intérêt de Keishi pour toi.

Elle rit.

— Tu as peur qu'il ne me vole à toi et ne me garde rien que pour lui ?

Le regard d'Akio lorsqu'elle prononça ces mots fit vite disparaître son sourire. C'était un sujet de tension entre les deux frères dont il ne fallait surtout pas parler.

— Il en est capable, Yu. Il en a les moyens.

Elle ne dit rien mais frissonna un instant. Les bras musclés du jeune homme se resserrèrent sur son petit corps.