68 - Dynastie

80 14 22
                                    

Réalisant ce qui venait de se passer, les soldats des deux armées redoublèrent de vivacité, certains pour s'enfuir, d'autres pour se venger, et les derniers pour finir le travail.

Akio ne laissa pas le temps à son frère de profiter solitairement de son triomphe ; il se jeta sur lui pour le soutenir. Son flanc était maculé de sang, au point qu'il gouttait de ses vêtements et donnait naissance à de petites flaques à ses pieds.

— Keishi !

— Souris, petit frère, nous sommes victorieux ! Khoomei est mort ! Tout ira bien, maintenant, le rassura son aîné sans se départir de son sourire émerveillé.

— Je le croirai quand on t'aura soigné. Un médecin !

Néanmoins, ce ne fut pas un médecin qui accourut, c'était Yu, engoncée dans son armure qui la grossissait terriblement. Elle se précipita sur eux et les étreignit en même temps de ses bras frêles, les larmes au bord des yeux. Aucun des deux hommes n'y résista et ils refermèrent chacun un bras sur elle en silence.

La jeune femme fut la première à rompre le charme et se dégagea maladroitement, focalisant immédiatement son inquiétude sur les blessures de l'empereur.

— Par les dieux, Keishi, tout ce sang...

De fait, l'intéressé la dévorait du regard sans s'en cacher.

— Yu, c'est toi... C'est vraiment toi... Tu étais morte...

Elle fronça les sourcils et interrogea Akio du regard. Le jeune homme répondit :

— C'est une longue histoire dont il nous manque toujours une partie.

La jeune femme haussa les épaules et avisa la tête coupée que Keishi tenait toujours par les cheveux. Suivant son regard, il la jeta au loin, lui permettant ainsi de se glisser sous son épaule pour le soutenir de l'autre côté.

Keishi, tandis qu'ils l'emmenaient vers le palais, ne put détacher son regard de son épouse qui, elle, faisait davantage attention à l'endroit où elle posait les pieds. L'armure sur son dos était lourde, tout comme le casque sur sa tête. Les protections sur ses jambes rendaient lent et laborieux le moindre de ses pas. Pourtant, cela avait peu d'importance au regard du contexte et de la situation actuels.

— Tu as changé, lança l'empereur, de but en blanc, tandis qu'ils approchaient des portes du Palais du Dragon.

Elle ne releva pas, évitant son regard.

— Toi aussi.

Akio nota qu'elle ne le vouvoyait plus, mais ignorait s'il s'agissait d'une pratique nouvelle, ou si elle s'était instaurée depuis leur mariage quelques mois plus tôt. Keishi, lui, ne remarqua même pas. Quant à Yu, cela lui avait échappé. Elle avait vouvoyé Keishi par respect, par le passé, mais aussi par crainte. À présent qu'elle connaissait ses véritables origines et celles de son époux, elle se sentait libérée de cette peur, de ce respect aveugle. Elle se savait à présent héritière légitime du Dragon et lui le fils d'un imposteur ; elle ne cherchait donc plus à se rabaisser face à lui. Les dieux et le Dragon en avaient décidé ainsi.

— Tu ne portes plus ton masque, enchaîna Keishi, nullement perturbé par sa réponse.

Cette fois, Yu leva les yeux un instant, le regarda bien en face, sans crainte, avec une lueur de défi dans les yeux.

— Je n'en ai plus besoin. Je sais quel secret il dissimulait, et il est tout ce qu'il y a de plus louable, les dieux m'en sont témoins.

C'était peut-être présomptueux de sa part, mais il s'agissait d'un cadeau du Dragon. Pourquoi le dénigrer ?

Drakkon - I - Le masque du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant