Paradoxe (Tome 1)

20. Ezra

Infinity - The XX
***

— Bonnie, dis-moi ce qui se passe ! s'emporte Erik derrière la porte.

L'oreille collée contre celle-ci, j'écoute leur conversation avec curiosité : je n'ai pas pu m'en empêcher.

— Papa, tu le sais très bien ! résonne la petite voix étouffée de Bonnie.

Après tout ce qu'elle m'a raconté tantôt, je comprends qu'elle soit révoltée.

— Bonnie, je ne comprends pas... Je suis déjà marié avec Laurel, pourquoi est-ce que tu es dans tous tes états ?

Je serre les dents : j'ai terriblement envie de secouer Erik comme un prunier pour lui dire que sa fille souffre sous ses yeux mais qu'il ne le voit pas.

— Tu ne t'en rends pas compte, n'est-ce pas ? Tu ne vois donc pas que je peine à m'adapter ici ? Londres est mon pied à terre ! Ici, je suis perdue : nouveaux visages, nouvelles habitudes et nouveaux dangers. Et maman, elle...

— Ta mère a refait sa vie, tout comme moi. Oublie-la, l'interrompt-il.

Je rêve là ?

Un rire sans joie retentit et me fait frémir.

— Comment le pourrais-je ? Elle a fait partie de ma vie et m'a enfanté, papa ! Tu sais à quel point je lui en veux de s'être en allée comme ça...

L'émotion dans sa voix se ressent, surtout lorsque celle-ci tremblote légèrement.

— Mais enfin ! Elle est heureuse avec quelqu'un qu'elle aime et qui l'apprécie en retour. Laurel est mon petit rayon de soleil, crois-moi, je suis heureux également.

Je déglutis, ma mère ne m'a jamais rien dit sur ses sentiments envers Erik. On ne peut pas dire que nous nous parlons régulièrement...

— Va-t'en de ma chambre, papa.

— Bonn', ma puce...

— S'il te plaît, dit-elle sèchement.

Lorsque je me rends compte que la poignée est sur le point de s'abaisser, je me recule vivement et fais mine de revenir de ma chambre. Je croise le regard d'Erik qui m'adresse un vague signe de tête avant de tourner les talons et descendre au rez-de-chaussée. M'approchant doucement de la chambre de Bonnie, je soupire et entre après avoir frapper à la porte.

Bonnie est accoudée sans surprise sur la rambarde en bois du balcon. Je l'y rejoins et l'entends soupirer bruyamment.

— Mon père ne veut pas me comprendre, il m'énerve tellement...

— Je sais, j'ai tout entendu.

Elle esquisse un petit sourire avant de se tourner en ma direction :

— Tu nous espionnais en écoutant aux portes ? me demande-t-elle en effectuant une fausse moue boudeuse.

Je hausse les épaules, innocent.

— Peut-être bien, oui. Ton père est aveuglé par l'amour, il se rendra compte que tu n'es pas bien et finira par agir. Crois-moi.

Elle acquiesce et se replace face à la vue sur Los Angeles et Malibu. Le bruit des vagues se cassant sur le sable est vraiment apaisant.

— Tu en penses quoi de tout ça ? me lance-t-elle sans me regarder.

J'attrape une cigarette qui trainait dans ma poche et l'apporte à mes lèvres sans pour autant l'allumer. Je me contente juste de jouer avec : c'est un tic nerveux que j'ai depuis pas mal de temps.