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 Je me retourne lentement et mon cœur se brise en voyant son regard noir. Il ne se souvient donc de rien ?

- Je suis chez vous c'est ça ? Ne me dites pas qu'on a couché ensemble, ou même dormi ensemble ?

Le ton de sa voix me glace le sang. Que dois-je lui dire ? La vérité ? Il risquerai de m'en vouloir. Lui mentir ? Oui, ce sera mieux ainsi, je pense. Sinon ça risquerai d'être invivable au boulot alors, à contre-cœur j'enfouis les souvenirs de la veille au fond de mon esprit et essaie de dissimuler ma peine.

- Oui, vous êtes chez moi et... Non, j'ai dormi sur le canapé. Vous êtes mon patron, il était normal que je vous laisse mon lit pour que vous puissiez vous reposer.

- Depuis quand suis-je ici ?

- Hier matin. Quand je suis arrivée dans la boutique vous étiez saoul. Je ne pouvais pas vous laisser là-bas. Vous deviez vous reposer, alors je vous ai ramené ici.

- Vous avez touché à ma moto !?

- Non, elle est toujours là-bas.

- Pardon !? J'espère au moins que vous êtes retourné au travail après m'avoir mené ici !

- Non, je devais vous surveiller, je ne pouvais pas vous laisser seul ainsi.

Je commence à être au bord des larmes, je sens que je vais bientôt craquer, qu'ai-je fais de mal ?

- C'est pas vrai... À huit heures trente je veux vous voir au magasin. Ne soyez pas en retard. Et ce n'est pas la peine de prendre votre chat.

Sans rien ajouter d'autre, il prend sa veste accrochée à l'entrée et s'en va, me laissant seule, perdue. Je pensais qu'il avait dessaoulé hier soir, qu'il était conscient de ce qu'il faisait, de tout ce qu'il a fait pour moi. Mais non. Tout n'était qu'illusion. Il était toujours saoul.

Je n'ai plus envie de déjeuner. Alors je range tout ce que je venais de sortir, ne prends pas la peine de boire mon café non plus et vais me préparer. Une fois lavée et habillée, je prends mes affaires et vois Garfield devant la porte. Il a prit l'habitude de venir avec moi tous les jours depuis quelques temps.

- Non mon beau, tu ne peux pas venir avec moi aujourd'hui... Je suis désolée. Je reviens ce soir, sois sage.

Je quitte mon petit appartement et me dirige vers la boutique, à pieds, la boule au ventre. Comment va se passer cette journée ? Et s'il venait à se souvenir de notre soirée ? Tellement de questions se bousculent dans ma tête que je n'arrive pas à me concentrer sur une en particulier. Ce qui me perturbe le plus, c'est Garfield. Teddy adore mon chat, il me l'a encore dit hier, même sans ça, il ne cesse de lui faire des cadeaux, l'arbre à chat, le collier de la boutique, puis, les friandises. Je comprends mieux maintenant pourquoi Garfield adorait rester avec lui plutôt qu'avec moi.

J'arrive devant la boutique, anxieuse. Je pousse la porte, tout est calme. Je remarque qu'il n'y a plus l'arbre à chat derrière le comptoir. Où l'a-t-il mis ? Je vais poser mon sac dans l'arrière boutique et je vois un carton avec écrit dessus "Poubelle". Les rebords du cartons sont juste rabattus et ne sont pas scotchés. Je les soulève légèrement et voir le carton de l'arbre à chat avec ce dernier démonté et remis dans son emballage, ainsi que le panier et les gamelles. J'aperçois même le brillant du sachet de friandises. Il a vraiment tourné la page et ne veut vraiment plus en entendre parler alors.

Je retourne dans la boutique et vois sur le comptoir un papier.

" Thérèse,

Votre comportement d'hier est inacceptable. De quel droit vous êtes-vous autorisée à fermer le magasin ? De plus, quelle a été ma surprise de voir ce matin que vous m'aviez déshabillé, chez vous.

Je suis malheureusement obligé de vous garder. Mais dès que j'aurai trouvé votre remplaçante, vous ne remettrez plus jamais les pieds dans cette boutique.

En espérant avoir été clair."

Les larmes me montent aux yeux. Non. Il ne peut pas faire ça... Je... Je ne suis qu'une employée, après tout. Alors oui, il peut faire ça.

Je plie le papier en deux et le glisse dans ma poche. Je crois qu'on est revenu au point de départ. Les seuls contacts que nous aurons désormais se feront par bouts de papiers. Cela me chagrine. Qu'a-t-il bien pu vivre pour être aussi froid ? Certainement quelque chose de douloureux et de marquant.

La journée s'est déroulée lentement. Je n'ai pas croisé Teddy, mais j'ai vu son ombre dans son bureau. Peu avant dix-sept heure je vais me changer dans l'arrière boutique et récupère mes affaires.

En passant devant le comptoir je laisse tout de même un mot.

"Monsieur,

Je suis vraiment désolée que les choses se passent ainsi, croyez moi, si j'ai fermé la boutique c'est uniquement parce que j'étais inquiète pour vous, je ne voulais pas qu'il vous arrive quoi que ce soit.

Mais je voulais vous remercier également, car même si vous ne vous en souvenez pas, hier vous vous êtes inquiété pour moi. J'ai moi aussi fait une bêtise et vous étiez là pour moi, pour m'aider. Alors je vous remercie.

Bonne soirée Monsieur."

Je jette un dernier regard à son bureau et quitte la boutique, peinée de cette situation.

Les jours suivant se déroulaient de façon plus ou moins similaires. En arrivant le matin soit j'avais un mot me disant ce que je devais faire comme tâche, soit me rappelant que je devais trouver un nouvel emploi.

Je refusais même de voir Fabien ce qui lui permis de vite comprendre que quelque chose n'allait pas au boulot. Mais il était compréhensif. Un matin il avait glissé un oiseau en origami dans ma boîte aux lettres. C'est moi qui lui avait appris comment faire. Il m'avait suffit de déplier le papier pour y lire une simple phrase qui m'avait réchauffé le cœur. "Je ne t'en veux pas, j'attendrais que tu sois prête à m'en parler. Ф"

Garfield était triste de ne plus pouvoir m'accompagner, je le voyais à son regard de chat potté, suppliant. il mangeait moins également. Tout comme moi, sauf que je devais me forcer si je ne voulais pas faire de malaise au travail.

Au Regoubillonnement des ChambrièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant