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Je m'approche doucement de Fabien.

- Ce n'est pas Thérèse...

Comme je m'y attendais, il se tourne vivement vers moi, surpris de me voir ici.

- Elle m'a mené ici... Pour qu'on discute...

- C'est peut-être une bonne chose, non ?

- Oui, sûrement, si elle le pense, mais, selon moi je ne le mérite pas, Tu ne me connais pas.

- Justement, j'aimerai te connaître... Et au fait, Thérèse et passée où ?

- Certainement avec mon frère, pourquoi ?

- On ne va pas rester ici alors...

Il se lève du canapé où il était installé et me rejoint prudemment, sans doute par crainte que je me sauve encore une fois.

- On va aller chez moi, ça te va ?

- Oui, je te suis, je vais essayer de ne pas me sauver.

- Au pire je t'attache. Me dit-il en souriant.

Je le suis sur le pallier, le vois fermer la porte de l'appartement de Thérèse à clefs, surpris qu'il ait les clefs de cet appartement.

- Tu me suis ?

- Comment ça se fait ? Demandé-je en montrant son trousseau puis la porte.

- C'est... Depuis... Antoine... J'ai les clefs de chez elle et elle a les clefs de chez moi...

- Oh, OK...

Il ouvre son appartement et m'invite à entrer.

- Fais comme chez toi, tu veux boire quelque chose ?

- Je veux bien un coca s'il te plaît...

Il ferme sa porte à clefs et part dans la cuisine chercher nos boissons puis reviens silencieusement.

- Au décès d'Antoine, je ne cessais de faire des cauchemars, et la journée ces cauchemars revenaient sous forme de flash, Thérèse m'a soutenu jour et nuit, quand elle n'était pas chez moi, j'étais chez elle, et depuis rien n'a vraiment changé, on n'a plus de secret l'un pour l'autre, c'est comme si on vivait en colocation dans deux appartements différents.

- J'admire votre complicité. Vous veillez l'un sur l'autre, c'est beau à voir.

- Et toi alors, pourquoi tu ne cesses de fuir quand tu es avec moi ?

- Je suis un véritable salaud en amour. Je collectionne les conquêtes d'un soir, sans jamais les rappeler, certains recherchent la même chose que moi, une relation d'un soir, d'autres espèrent une relation à long terme, et je les laisse le croire jusqu'à ce que j'obtienne ce que je veux. Les faire souffrir.

Sans m'en rendre compte, durant mon récit je me suis installé comme hier, ce qui n'échappe pas à Fabien qui vient poser sa tête au creux de mes jambes. Timidement je lui caresse les cheveux.

- Teddy n'est pas mon jumeau. Il est mon triplé, mais aujourd'hui nous ne sommes plus que deux. Mathieu, notre frère a été assassiné lors d'une soirée.

Je sens Fabien se tendre sous mes mots, puis lentement, sa main vient prendre la mienne et la serrer, m'incitant à continuer mon récit.

- Il était invité à une fête avec des amis à lui, il s'était habillé très classe, il avait prévu de demander à une fille de sortir avec lui Lucile, mais au moment où il allait faire sa demande, un de ses ami lui a demandé de le suivre. Heureusement que la fille les a suivi. Le mec qui fit sortir Mathieu de la boîte, l'entraîna dans une ruelle quelques rues plus loin, le bloqua contre un mur et l'embrassa. Il essaya de se dégager mais en vain. Le mec s'énerva, l'insulta, sorti un couteau et...

Les larmes coulent désormais d'elles-mêmes,

- Quand le mec est parti il n'a pas fais gaffe que Lucile était là elle aussi, alors une fois qu'il n'était plus là, elle se précipita vers mon frère, mais il était trop tard. Ce connard a tué mon frère parce qu'il n'était pas gay et refusait d'être avec lui. Malheureusement ce salaud à crevé trop tôt en voulant rentrer chez lui il a fini sa course contre un pylône, il n'a pas eu le temps de moisir en taule.

Voyant que j'étais de plus en plus à cran, Fabien se redresse et me prends dans ses bras en me serrant fort contre lui.

- Depuis ce jour Teddy est devenu froid, distant, et moi j'extériorise ma rage à travers le sexe, en faisant souffrir les mecs avec qui je suis. Dans le fond j'ai honte d'être gay comme celui qui a lâchement assassiné Mathieu.

Fabien resserre son étreinte autour de moi, je le prends à mon tour dans mes bras, réalisant que je n'avais jamais parlé de cette histoire à qui que ce soit.

- Tu n'as rien à te reprocher, et tu n'as pas à porter seul ce fardeau.

- Tu sais, parfois Teddy est tellement distant que j'ai l'impression qu'il m'en veut d'être ainsi, d'être comme celui qui l'a privé de son frère. Avant l'accident on était complice, on faisait les quatre cents coups, on était vraiment lié tous les trois. À la suite de cet événement, Teddy et moi avons choisi de nous faire un tatouage, un triskel. Le sien est tribal, comme lacéré sur les côtés. Le mien est davantage en forme de tourbillons avec un loup qui hurle en son centre.

- Le loup c'est toi qui hurle son absence ?

- Oui...

- Merci d'avoir partagé cette douleur avec moi.

- Merci à toi de m'avoir écouté, ça fait du bien...

- Tu es quelqu'un de bien que la vie a changé, mais tu n'as pas à te reprocher quoi que ce soit, d'accord ? Je me doute que cet événement ne disparaîtra pas de ta mémoire ainsi, et elle ne doit pas disparaître, au contraire, elle doit te rendre plus fort, et si tu veux, si tu es d'accord, on peut apprendre à se relever ensemble.

À la fin de sa phrase, son pouce vient caresser ma lèvre inférieure et ses douces lèvres viennent embrasser une larme qui coule sur ma joue, comme je l'ai fait hier après qu'il m'ait parlé de son ancien compagnon. Comme si ce simple geste nous rivait l'un à l'autre.

- Ce sera avec grand plaisir. Dis-je en le prenant dans mes bras.

Je me sens si bien contre lui, Peut-être que Ted avait raison en disant que je reconnais Mathieu en lui. Lui aussi arrivait à voir la bonté chez les gens, et je réalise qu'il n'aurai certainement pas aimé me voir agir ainsi avec mes conquêtes. Je m'en veux d'avoir été un salaud depuis toutes ses années.

- J'aimerai faire quelque chose, mais je n'ai pas envie que tu te sauves juste après, mon ego en prend un coup à chaque fois. Me dit Fabien amusé.

- Je t'écoute ?

- J'ai déjà eu ta permission. Je veux juste m'assurer que tu ne te sauvera pas, alors promets moi de rester, s'il te plaît.

Pensant savoir ce qu'il veut faire, je ne dis rien et pose mes lèvres sur les siennes. Au début il semble surpris mais comprenant que je ne partirai pas, il se laisse aller. Il cherche même à approfondir ce moment en caressant mes lèvres avec sa langue, ce qui a le don de me faire énormément d'effet. Je lui accorde l'accès pour rejoindre ma langue et en profite pour passer mes mains dans son dos, sous son tee-shirt.

Depuis le décès de Mathieu, c'est la première fois que je me sens aussi vivant, c'est tellement agréable, je ne veux plus fuir de ses bras, je veux y rester.

Au Regoubillonnement des ChambrièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant