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 Une fois chez moi, je m'affale sur le canapé en prenant une part de pizza encore sur la table, mais la repose aussitôt en réalisant que je n'ai pas faim. J'ignore ce que je veux, j'ignore ce que j'ai, mais sûrement rien de bon.

Je me relève et sors de mon appartement pour me diriger vers la boutique de mon frère. C'est à trente minutes à pieds mais qu'importe. L'air frais me fera du bien. J'espère.

Arrivé devant le magasin j'entre directement, remarquant le calme de la boutique. Personne en bas. Mais la porte du bureau de Ted est ouverte.

Je me dirige vers les escaliers puis je le vois sortir de sa forteresse. Avant de retourner dans son bureau et d'en ressortir quasiment de suite avec un petit carton et de me rejoindre au rez de chaussée.

- Tu ne m'en as pas demandé tout à l'heure mais je suppose qu'il t'en faut de nouveau...

Dans le carton, comme habituellement il y a des tubes de lubrifiant et des boîtes de préservatifs.

- Non enfin ouais il m'en faut mais c'est pas pour ça que je viens mais je vais le prendre quand même.

- Tu viens me dire que tu as vu Thérèse et qu'elle ne changera pas d'avis et que je suis réellement un salaud à ses yeux. C'est ça ?

- J'en sais rien, c'est à elle de prendre sa décision.

- Oui, je sais. Mais pour l'instant elle ne m'a toujours pas contacté... Au fait, si tu ne viens pas pour me parler d'elle ni pour venir chercher ton carton hebdomadaire, tu es venu pour quoi ? Et pas de mytho, vu ta tête ce ne doit pas être très positif.

- J'en sais rien justement... C'est à propos de Fabien...

- J'en connais qu'un, mais te connaissant ce ne doit pas être lui mais une autre de tes conquêtes, tu dois parler de Nicolas peut-être non ? Le gars de ce matin...

- Non le voisin de Thérèse... Il s'appelle bien Fabien non ?

- Oui, et c'est bien la première fois que tu te souviens d'un prénom autre que le tien.

- Oui, et c'est bien ce qui m'inquiète. C'est la première fois que ça m'arrive. Puis je ne sais pas quelque chose m'a troublé chez lui.

- Moi ce qui m'a troublé c'est qu'il voulait me casser la gueule pour avoir fait souffrir Thérèse mais ne l'a pas fait sinon elle ne lui aurait pas pardonné.

- Ah ! Moi c'est Thérèse qui m'a menacé de me casser la gueule si je faisais du mal à son meilleur ami ! Dis-je en rigolant bêtement et nerveusement.

- Pourquoi ? Il sait se défendre non ? Je suis sûr que c'est un grand garçon, puis il est un peu trop heureux ce gars selon moi, dès qu'il croise quelqu'un il lui sourit. Qui fait encore ça de nos jours ? Les rares personnes à le faire sont prises pour des extra-terrestres comme s'il était anormal de sourire. Il respire la joie de vivre et c'en est presque insupportable.

- Je n'ai pas vu une personne qui respirait la joie de vivre en lui. Certes il sourit souvent et son sourire est certainement contagieux si on sait être heureux, mais il a un passé aussi douloureux que le nôtre. Sauf que lui ne le vit pas de la même façon que nous, c'est tout.

- "Un passé comme le nôtre"... Je t'interdis de parler de ça.

- Je ne vais pas en parler, mais lui aussi a perdu un être cher et ce que j'ai vu en lui était une personne fragilisée, qu'il était inutile de briser davantage en jouant avec ses sentiments.

Mon frère me regarde fixement. Un peu trop même à mon goût. Mais j'ai l'habitude de ses défis du regard. S'il a quelque chose à me dire qu'il le dise franchement.

- Quoi ? Je sais que je suis un imbécile à toujours jouer avec les sentiments des autres, qu'au fond de moi je ne cherche qu'à les blesser comme je le suis depuis notre adolescence, tu crois que j'ai réussi à faire mon deuil parce que je ne prends pas la vie au sérieux et que je m'amuse tout le temps mais c'est faux. Je ne cesse de penser à lui, et tout à l'heure j'ai cru le retrouver, l'avoir à mes côtés.

Le regard de glace qu'affichait Teddy se transforme en un regard satisfait.

- Quoi ?

- Non rien... J'adore jouer au psychologue alors que je ne dis rien...

- Explique ?

- Tu retrouves Mathieu à travers Fabien et tu as juste envie de le protéger.

- N'importe quoi je...

Je réalise d'un coup qu'il a raison. Du moins, en parti, car mon désir de l'avoir près de moi, ne faisant qu'un est également bien réel. Mais Mathieu aussi sera toujours en moi, d'une certaine façon.

- Tu vas faire quoi ? Me demande Teddy en me sortant de mes pensées.

- J'en sais rien. J'ai envie d'être avec lui, puis il s'est passé un truc aussi...

- Je t'écoute...

- On s'est embrassé, sans raison, après un long silence particulier.

- Développe.

- Bah on était proche l'un de l'autre et on ne disait rien, mais on discutait entre nous.

- Ta pizza de ce matin devait déjà développer des champignons particuliers.

- Arrête tes conneries je suis sérieux. On ne disait rien mais c'était comme si on se comprenait. Puis sans savoir pourquoi ni comment, naturellement on s'est embrassé, c'était tellement unique. Mais tellement douloureux pour lui. Je m'en veux de l'avoir laissé seul chez lui après ce moment.

À la fin de ma phrase la porte de la boutique s'ouvre sur deux têtes que j'ai vu récemment.

- Garfield !

Je m'élance vers Thérèse et lui arrache quasiment son matou des bras.

- Vous ne l'avez pas mené dans sa caisse ? Demande Teddy.

- Non, désormais je le promène avec une laisse et un harnais, il aime bien.

- Oh...

- Le poste ici est toujours disponible ?

- Oui, toujours, vous voulez le récupérer ?

- Si je veux garder mon appartement je n'ai pas le choix.

- Très bien. Je comprends. Je vais chercher vos affaires je reviens.

Alors que Teddy s'éclipse dans son bureau, je continue de caresser Garfield toujours dans mes bras et m'approche de Thérèse.

- C'est seulement pour ton appartement que tu es revenue ? Lui murmurè-je.

- Non. Teddy me manquait aussi.

- Un conseil, si tu as l'occasion dis-le lui, je sais qu'il est peu expressif mais il sait être reconnaissant envers les personnes qui lui apportent leur soutien. Regarde avec Garfield...

Elle s'apprête à répondre quand mon frère sort de son bureau avec un carton, encore. D'ailleurs où il a foutu le mien ? Je le prendrai en partant de toute façon. Il pose le carton sur le comptoir et en sort le tee-shirt de Thérèse, le collier de Garfield ainsi qu'un sachet de friandises. Et comme Garfield reste un chat, ce dernier s'empresse de quitter mes bras pour se diriger vers son meilleur ami : le sachet de friandises.

Teddy lui en donne quelques une avant de donner les affaires de Thérèse à cette dernière qui le remercie.

- Bon eh bien moi je vais y aller. Je vais juste récupérer mon carton s'il te plaît.

Il me montre du doigt une petite étagère à côté de moi où se trouve effectivement ma petite boîte. Je la prends et dis au revoir à tout le monde avant de sortir de la boutique.

Au Regoubillonnement des ChambrièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant