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 Je tape doucement à la porte de ce Fabien, en me trompant certainement dans son prénom, comme à mon habitude. Le jeune homme m'ouvre assez rapidement. Il semble surpris de me voir me tenir de nouveau debout devant lui.

Je dois avouer que moi-même j'ignore pourquoi je suis revenu vers lui alors que je sais que je ne vais pas jouer avec lui. Je risque de m'ennuyer. Pourquoi suis-je revenu le voir au juste ?

- Voulez-vous entrer ?

- Comme vous voulez. Oui, je suppose.

Il s'écarte en me permettant d'entrer dans son appartement. La décoration y est assez épurée et sobre, mais avec une certaine joie. Il a réussi à associer le bonheur et la mélancolie.

Il passe à côté de moi et me frôle la hanche avec la sienne avant de se pencher à mon oreille.

- Je préférai le jeune homme sûr de lui de tout à l'heure, me dit-il avec un petit sourire en coin, avant de s'écarter de moi. Je vous offre quelque chose à boire ?

- Une bière si vous avez s'il vous plaît.

- Je ne bois jamais d'alcool, désolé. J'ai du Coca, du Fanta et du 7up.

- On ne va pas de suite uper au septième ciel alors je vais me contenter d'un moment Fantastique s'il vous plaît.

- Joli... Respect, me dit-il en revenant avec deux Fanta. Allez-y installez-vous.

- Merci.

Je m'assoie sur le canapé du jeune homme. Il se met à côté de moi silencieusement. Je regarde les photos un peu partout sur les meubles. Il est accompagné d'un autre garçon assez mignon également.

-Vous êtes le frère de Teddy ? L'ancien patron de Thérèse ?

- Il vous a déjà parlé de moi ? Dis-je enjoué.

- Non, je ne lui ai quasiment jamais parlé. Mais vous lui ressemblez énormément. Alors ce n'est qu'une supposition.

- Oui, moi aussi j'ai toujours préféré faire des supposition plutôt que des suppo-suçions, généralement je suis déçu du goût...

Je tourne la tête vers lui pour le regarder et remarque qu'il a plus où moins le même regard que mon frère quand il réalise que je suis un cas désespéré. C'est assez bon signe, ça veut dire qu'il m'apprécie aussi. Sauf si Ted ne m'apprécie pas du tout...

Mon regard doit se voiler légèrement puisqu'il passe une main sur mon dos.

- On ne s'est pas encore présenté. Je m'appelle Fabien, et vous ?

Fabien ? Je crois que c'est bien la première fois que je ne me trompe pas dans un prénom.

- Mélian. Ravi de faire votre connaissance.

- Plaisir partagé, me sourit-il.

- C'est qui sur les photos avec vous ?

J'ignore pourquoi j'ai posé cette question, mais en voyant le sourire de Fabien disparaître, je comprends que je n'aurai pas dû poser cette question. Alors le passé douloureux de Fabien est cette personne ? Je suis vraiment un imbécile.

- C'est...

- Non, je suis désolé. Je ne voulais pas vous blesser, pardonnez-moi. On change de sujet si vous voulez.

- Non, ça ira, ne vous en faîtes pas... C'est Antoine. Mon dernier petit ami. Il est décédé à cause d'un jeu d'alcool. Il a fait un coma éthylique et ne s'est jamais réveillé. C'est pour cette raison que je ne bois jamais d'alcool. Rien que la vu de cette boisson me rappelle un triste moment de ma vie.

- Je suis vraiment désolé.

Sans comprendre pourquoi je réalise que je tiens ses mains dans les miennes. Mais ce geste n'a pas l'air de le déranger. Je le sens me les prendre à son tour et les serrer doucement entre les siennes. Il doit avoir besoin de soutien pour passer cette épreuve et faire son deuil.

- Vous voulez me parler de lui ?

- Non, je ne veux pas vous ennuyer avec mes problèmes qui ne regardent que moi.

- Vous avez tort. Je suis sûr que c'était une personne formidable. Il vous rendait heureux. Et de ce que je vois sur vos photos, il avait l'air d'être une personne pleine de vie, à réussir à partager sa joie de vivre avec toutes les personnes qui l'entouraient, dont vous. Alors non, j'ai envie d'en savoir davantage sur lui. Il n'est peut-être plus présent à vos côtés mais il vit toujours, en vous, et j'ai envie de le connaître. Alors s'il vous plaît, faites le vivre à travers vous. Racontez moi comment il était. S'il vous plaît.

Étonnamment, il accepte de me parler de son ancien petit-ami, du jour de leur rencontre, au jour où il a voulu le présenter à ses parents, ce jour également où ses parents l'ont rejeté à cause de son homosexualité. jusqu'au jour où ils ont emménagé ensemble. Les moments de peine et les moments de joie, on se surprend même à rire par moment.

- Ce qui me manque le plus reste nos câlins dans ce canapé, m'explique-t-il. Il avait pour habitude de s'asseoir en tailleur à la place où vous êtes, assis perpendiculairement au dossier et ma tête reposait sur ses jambes.

Dans l'espoir de ne pas faire une bêtise, je lâche ses mains, créant l'incompréhension dans son regard, retire mes chaussures et m'assoie comme il me l'a décrit juste avant. Je tapote sur mes cuisses et timidement il vient poser sa tête sur mes jambes.

Instinctivement je pose une main sur son bras et l'autre vient se nicher dans ses cheveux afin de les caresser.

Je le vois fermer ses yeux et lentement un fin sourire vient se dessiner sur les lèvres. Il se met alors sur le côté, sa tête toujours au centre de mes jambes puis il pose une main sur son oreiller improvisé.

Il me semble si apaisé, si serein. Je ne regrette pas d'avoir eu l'idée de refaire ce geste. Puis soudain je sens ma chaussette s'humidifier. Je penche alors la tête pour regarder Fabien et constate qu'il pleure.

- Non Fabien non, s'il vous plaît. Pardonnez-moi, je suis désolé, je ne voulais pas vous faire de la peine, je suis vraiment un idiot. Pardonnez-moi, je ne fais que vous créer de la peine.

- Non. Ce n'est pas vous. Restez, s'il vous plaît.

Il venait de se redresser et je voyais une certaine détresse dans son regard. Il ne pleurait pas, mais les larmes coulaient d'elles-mêmes.

- Je dois cesser de culpabiliser et essayer d'être heureux, mais j'ai du mal à tourner la page. J'étais vraiment bien contre vous et dans cette position j'ai la sensation de pouvoir lui dire un dernier adieu. Enfin je crois... Mais d'un autre côté je culpabilise d'être aussi bien... Dans les bras d'un autre homme.

Tout à coup, comme un flash, les paroles de Thérèse me reviennent en tête.

- Je suis vraiment désolé mais je ne suis pas la personne qu'il vous faut. Vous allez souffrir avec moi. Alors, je crois que je vais vous laisser. Je ne veux pas vous faire de la peine. Vous en avez déjà suffisamment eu. Vous méritez quelqu'un qui vous rende réellement heureux, et malheureusement je ne serai jamais cette personne. Pardonnez-moi.

Sans lui laisser le temps de me répondre, je me lève et me dirige vers la sortie de son appartement. Mais arrivé devant la porte, je le sens me retenir par le poignet me faisant me retourner vivement.

Il ne dit rien, ne bouge pas non plus. Je fais de même, juste nous nous regardons. Comme si nos âmes discutaient entres-elles. J'ignore ce qu'elles se disent mais à la fin de se dialogue inaudible, les lèvres de Fabien viennent s'écraser contre les miennes. D'abord surpris, je ferme finalement les yeux et me laisse aller à cette si douce sensation. Une sensation inconnue pour moi, un plaisir sans fin, un bonheur sans limite.

Il met finalement fin à ce baiser et recule d'un pas, laissant une nouvelle larme s'échapper de ses si beaux yeux. Niaisement je me rapproche de lui et vient embrasser cette goutte salée la faisant mourir sur mes lèvres.

Je me recule de nouveau et part sans rien dire. Je pense que nos âmes discutent mieux que nous.

Silencieusement je rentre chez moi. En ayant du mal à me reconnaître. Que m'est-il arrivé ?

Au Regoubillonnement des ChambrièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant