Chapitre 29 : Un goût de nonnettes

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Bonjour tout le monde, je vous retrouve cette semaine avec un chapitre tout doux (oui, oui pour de vrai ;D), bonne lecture !

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Ayant fini par s'arracher au cocon moelleux du lit, Iris et Gilbert allèrent prendre leur petit-déjeuner. Les domestiques étaient bien entendu à leur poste, venant les servir puis s'évaporant aussi vite qu'ils étaient venus. La présence de ces étrangers dans son espace intime continuait de déranger quelque peu Iris. Cette dernière se résolut cependant à prendre la chose avec fatalisme. Certains éléments ne pouvaient être changés et il fallait apprendre à composer avec. Mieux valait de toute façon s'y accoutumer si elle s'envisageait un avenir avec Gilbert. « Peut-être qu'un jour je serais véritablement sa fiancée » songea-t-elle, rêveuse.

Mais l'heure n'était pas venue de se plaindre, ni de s'absorber en songeries romantiques. Dehors, le ciel hivernal était d'un bleu pur et éclatant tandis que le soleil illuminait la neige de ses rayons. La nuée qui s'était attardée au dessus du manoir pendant la nuit voguait désormais vers sa prochaine escale, ne laissant derrière elle qu'un épais tapis de poudreuse, une blancheur parfaite qui serait bientôt dérangée par les sabots des chevaux.

La jeune femme n'avait pas contenu sa joie lorsque Gilbert lui avait annoncé qu'ils pourraient monter une fois sur place. Un frisson d'appréhension l'avait malgré tout parcourue. Et si la rouille de la guerre avait corrompue ses joies d'antan ? Cependant, il n'était cette fois nullement question de conduire une de ces bêtes à la mort ni de cavaler sous la mitraille sans avoir le temps de réfléchir ou de craindre pour sa vie. Tout irait bien, décida Iris en vissant son épaisse toque noire sur sa tête.

La silhouette que lui renvoyait le miroir lui paraissait échappée de son passé, familière et étrangère à la fois. C'était la première fois depuis la fin du conflit qu'Iris avait l'occasion de revêtir l'habit des cavaliers de sa province. Très simple, voire austère, celui-ci se composait principalement d'un long manteau sombre, s'arrêtant plus bas que ses genoux, dont le col croisé et les manches étaient également doublés de fourrure. Une ceinture de cuir ornée de discrètes plaques métalliques cintrait l'ensemble à la taille.

Il s'agissait d'une tenue du quotidien, conçue avant tout pour être pratique. Dans sa région, l'on ne revêtait des atours un peu plus extravagants que lors des rencontres et des festivals annuels où les cavaliers voltigeurs démontraient leur savoir-faire. Iris avait porté ce genre de vêtements une grande partie de sa vie et tentait d'en conserver ne serait-ce que l'esprit dans ses tenues habituelles.

Bien qu'éloignée de chez elle et ayant dû s'adapter à un nouveau mode de vie, la jeune femme n'oubliait pas ses racines. La terre qui l'avait nourrie demeurait gravée dans chaque fibre de son être. Aussi saisissait-elle à pleines mains cette occasion de renouer avec son identité. Le gouvernement de son pays avait pendant longtemps déployé de grands efforts pour assimiler ces régions éloignées qui avaient toujours plus ou moins échappé à son contrôle.

Ces démarches étaient passées par une politique d'uniformisation, interdisant par exemple notamment que la langue régionale soit utilisée à l'école. Certaines des particularités, notamment les pratiques animistes qui y avaient encore court, étaient considérées par les gens des terres intérieures comme des superstitions arriérées. Iris avait paradoxalement découvert avec Amata qu'un certain public cultivé appréciait paradoxalement les histoires venues de sa terre natale. Cependant, ces récits étaient parfois déformés et s'ils étaient goutés, c'était justement pour leur aspect exotique. La cavalière était ainsi convaincue de l'importance de son héritage et de celle de le préserver à jamais dans la forteresse de son coeur. « Exister c'est résister », disait un proverbe de sa terre natale et Iris ne pouvait qu'approuver cet adage.

La fiancée et la mer (Fanfiction Violet Evergarden)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant