Chapitre 25 : La danseuse et le capitaine, Acte II

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Bonjour à tous, voici le chapitre de la semaine placé, je l'espère, sous le signe de l'émotion. Je remercie de nouveau Anaelleks pour ses retours sur la première version de ce texte.

Bonne lecture !

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Long, long journey

out of nowhere, l

Long, long way to go;

but what are sighs

and what is sadness

to the heart that's coming home?

"Long, long journey", Enya

Amata s'accouda à la balustrade, savourant la bienfaisante caresse de l'air marin. La tempête s'était dissipée aussi vite qu'elle était venue même si quelques uns de ses vestiges erraient encore dans le ciel. La danseuse avait dormi une bonne partie de l'après-midi, sa nuit ayant été consacrée à ressasser le récit de Dietfried. Cette terrible histoire la hantait, mais cela n'était pas la seule raison qui la poussait désormais à songer à lui. La jeune femme ne pouvait nier que cet homme exerçait un attrait certain sur elle. La confession du capitaine les avait solidement liés et il avait entre eux quelque chose d'implicite mais qui ne demandait qu'à se révéler, une graine encore fragile mais qui pourrait devenir un bel arbre si on lui donnait sa chance.

« Il faut dire qu'il a de nombreux points qui jouent en sa faveur, plus elle mettait des mots sur ce qu'elle ressentait, comme une bobine de fil se déroulant naturellement, et plus il lui devenait agréable, il y a tout d'abord les astres de ses yeux qui ont étincelé tout au long de ma nuit. L'écho de sa voix est prisonnier de mes tympans. « Vous savez pourquoi » : ces mots sur ses lèvres me donnent d'insensés frissons. Et ses cheveux, je dois m'avouer mon désir de perdre mes doigts dans cette mer de nuit. Quand j'évoque à ses traits, je ne peux m'empêcher de les parcourir en pensée, j'aime leur finesse, leur noblesse, même les marques laissées par le souci. J'ai découvert des aspects de lui que je ne soupçonnais pas, son amour sans failles pour les siens, sa force de lutter pour ses rêves et son incroyable résilience. Il a même cherché à m'aider quand il a vu que j'étais mal alors que rien ne l'y contraignait ».

Elle eut un petit sourire narquois en songeant à sa voisine : « je crois que c'est toi qui avais raison Martha, de me dire que tu pensais que c'était un homme bon ». Néanmoins, parvenir à ces conclusions la ramenait à toutes ces craintes enfouies qu'elle tentait de tenir à distance. Amata redevenait alors consciente d'elle-même, de ce corps dont elle désirait se dissocier. L'envie de retrouver cette réalité tangible la prenait au dépourvu, l'emplissait d'une nervosité diffuse. La jeune femme se trouvait alors ramenée à la réalité, à son bras et au fantôme de sa douleur, au dégoût bien réel qui l'emplissait à chaque fois. C'était aussi une lutte contre elle-même, contre les blessures cachées sous la soie. Elle savait également qu'en venant à lui ce serait à son tour de raconter son histoire, de tout dévoiler. Une nouvelle épreuve en somme.

Amata invoqua sa détermination : il ne serait pas dit qu'elle s'était dérobée. Le seul moyen de savoir ce qui pouvait se passer entre eux était de venir à lui. « Et moi qui disais que les hommes plus âgés que moi c'était pas ma tasse de thé » se lança-t-elle de manière triviale afin de détendre la situation. Au loin, l'horizon s'enflammait de teintes coruscantes.

« Le soleil vient embrasser la mer, elle se détourna de sa contemplation, et moi je viendrais bientôt vous rejoindre ».

*

L'attente lui pesait. Dietfried se reprochait presque d'avoir saisi la perche tendue car son univers ne se résumait plus qu'à cela désormais. Allait-elle revenir comme elle l'avait promis ? Il n'avait pourtant pas croisé Amata de la journée, elle paraissait s'être volatilisée. « Elle a sans doute dû se reposer avec la nuit atroce qu'elle a passée » tempéra-t-il en tournant une page de son livre. Que fallait-il espérer de ce rapprochement surprenant, de cette trêve inattendue ? Son image n'avait pas quitté Dietfried depuis leur rencontre sur le port, il l'avait longtemps cherchée avant de la croire définitivement perdue après leur altercation à la poste. Le fantôme de son toucher hantait sa peau, il brûlait de se bercer de nouveau du carillon cristallin de sa voix. Le capitaine tentait de ne pas s'emporter, mais l'espoir était une chose à la fois douloureuse et implacable et le soumettait à sa loi.

La fiancée et la mer (Fanfiction Violet Evergarden)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant