Bonjour à tous ! Voici un peu de lecture en cette période de confinement. J'espère que vous et vos proches allez bien. Prenez soin de vous !
J'en profite également pour vous envoyer un grand merci vu que cette histoire a atteint les 2,5k vues. Vous êtes géniaux !
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Elle entra dans le vestibule hanté par le souvenir des fêtes passées. Des grains d'or flottaient paresseusement dans l'air de l'après-midi. Drapée de noir, la nouvelle venue se dirigea vers le guichet. Sans doute était-ce une endeuillée de guerre. Une sombre résille emprisonnait sa chevelure d'acajou, une voilette occultait son visage. Ses yeux étaient-ils vert pâle ou bleus ? Il ne parvenait à le dire, son ombre à paupières brouillait les frontières des couleurs. Et il y avait cette bouche, jurant avec l'ensemble, ce rouge éclatant comme une tâche de sang. Etait-elle une veuve heureuse ? Cherchait-elle à défier le monde ?
-Bonjour, pourriez-vous me donner un programme s'il vous plaît ?
L'employé ne put se détacher de la fleur vénéneuse de ses lèvres, tant et si bien qu'il n'essaya pas de reconstituer les traits que la gaze lui masquait.
Amata laissa dériver son regard pendant qu'il cherchait la brochure. Son déguisement paraissait fonctionner mais elle n'en était qu'au début de sa mission. Elle était une artiste, adepte des armes du rêve et de la dissimulation. La danseuse avait appris certains des secrets de ses maquilleuses. Une perruque avait ensuite fait l'affaire et l'encre de la robe avait noyé les dernières traces de son identité. Aucun détail n'avait été oublié, Dietfried l'avait aidée à parfaire sa crédibilité. Elle avait preuve de la même minutie que pour se préparer au combat. La moindre erreur pouvait être fatale. La photographie du bataillon demeurait dans son sac comme un talisman protecteur, sommeillant aux côtés d'un petit pistolet. Après avoir inspecté les alentours du théâtre, cherché à voir si s'y trouvaient des proches de sa tante, elle avait décidé de se lancer et de pénétrer à l'intérieur. Elle n'avait après tout rien à y perdre.
-Je vous remercie, fit-elle, avec une inclinaison polie de la tête.
Elle modula sa voix, comme un chant plus lent, cherchant la bonne tonalité. Amata ouvrit le document et fit tourner les pages, les parcourant d'un air distrait.
-J'ai entendu qu'il y avait une troupe d'artiste étrangers qui allaient donner un spectacle très bientôt...serait-il possible de réserver des places ?
-Non madame, répondit l'homme avec une distance professionnelle, il s'agit d'un événement dont les invitations ont été distribuées aux membres d'une liste restreinte. Si vous n'en faîtes pas partie, il ne sera pas possible d'y assister. Quant au reste des places, toutes ont déjà été vendues.
« Typique de ma tante, elle ne divertit que l'élite et elle se fiche du reste ». Amata retint une grimace de mépris. Cette colère risquait de gâcher son jeu. Elle devina d'ailleurs un éclat d'agacement dans l'attitude de son vis-à-vis. Sans doute n'était-ce pas la première fois qu'on lui posait cette question.
-Je comprends, se rattrapa-t-elle, c'est juste que j'ai entendu beaucoup de bien de leur art et je rêve de voir un jour une telle performance...
-Ils répètent en ce moment, l'homme eut un geste, mais hélas, impossible de les déranger...
« Parfait », songea aussitôt Amata. Elle prit poliment congé, consciente que rester sur place rendrait son comportement suspect. Sa tante était peut-être là. La mission poursuivait son cours.
Amata se retrancha à l'abris de la colonnade. Cachée derrière son livre, elle paraissait être une cariatide supplémentaire. Le temps avait filé, la jeune femme avait veillé à toujours rester en mouvement, un objet immobile pouvant être trop facilement identifié. Après avoir achevé une ronde discrète autour de la bâtisse, elle était venue se dissimuler sous le marbre frais, épiant les passants.
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La fiancée et la mer (Fanfiction Violet Evergarden)
FanficAu gré de ses missions, Violet fait la connaissance de deux jeunes femmes qui ont elles aussi une histoire à raconter. Iris et Amata sont venues à Leiden pour tenter de reconstruire leurs existences en ruines. Tandis que la routine s'installe, chacu...