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Je retrouvais rapidement les gars toujours installés dans le salon étroit. La scène était quelque peu clichée : rap en fond sonore, atmosphère enfumée, bruyante malgré le peu de personnes présentes, les conversations se mêlaient aux rires, aux éclats de voix graves sous l'effet de leurs pilons. Trois autres personnes étaient arrivées, mais je ne pris pas la peine de les saluer, de toute façon je les aurais oublié le lendemain.

Sam leva la tête vers moi en fronçant les sourcils et se leva prestement.

- Il s'est passé quoi là ? Vous deviez vous expliquer.

- Faut croire que ça a pas marché.

- Vous êtes cons sérieux. J'ai pu le retenir avant qu'il parte. Il est sur le balcon. Je pense que c'est ta dernière chance, alors la gâche pas.

- Pourquoi t'insistes là, ça te fait quoi de toute façon ?

Il regarda en direction de la fenêtre derrière laquelle se dessinaient les contours massifs de l'algérien.

- Ça fait longtemps qu'il n'a passé autant de temps avec une fille. Et vu l'état dans lequel tu t'es mis depuis votre dispute, tu l'aimes bien aussi. Alors bouge ton cul putain.

Je levai les yeux au ciel.

Non, je n'étais pas attachée. Et puis pourquoi Sam se croyait-il doté d'une mission divine? Il jouait le stéréotype du médiateur dans les films romantiques, celui qui essayait à tout prix de créer l'étincelle nécessaire à la traditionnelle fin « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants ». Ça n'était pas Hollywood ici.

Mes yeux se tournèrent vers Hakim. Peut-être lui devais-je au moins une explication.

Non, je ne lui devais rien.

Pourtant mon corps était fatalement attiré vers ce balcon à ce moment précis, et je ne pus le retenir d'en prendre la direction.

J'ouvris délicatement la fenêtre et pris le temps de respirer avant de me lancer.

- Je t'ai parlé de Kerian...

Aucune réaction, pas même un léger coup d'œil, il était figé, les yeux sur Paname, ignorant mon interruption.

- Tu as peut-être compris qu'il ne faisait pas que dans les combats de chien. Lui et des potes tenaient un réseau assez important dans Paname.

Il ne broncha pas.

- J'ai passé beaucoup de temps avec lui, à l'épauler quand ça n'allait pas, à le réconforter, et évidemment à essayer de le redresser un peu. Je le voyais s'abîmer, s'enfoncer un peu plus tous les jours, et je pensais pouvoir l'aider un peu. Mais il refusait de m'écouter, il préférait courir après l'argent, alors qu'il n'en avait pas vraiment besoin.

J'attendis une réponse quelques instants, un signe qu'il m'écoutait, mais rien ne vint. Alors je continuais pour moi-même, je n'avais jamais fait le bilan à voix haute, et maintenant que j'étais partie, il fallait que je finisse.

- J'étais complètement conne. J'ai pas vu la gravité des choses. Il avait pas mal de merde avec les flics et d'autres gars du quartier. Ils tournaient bien, ça attirait pas mal de convoitise. Je ne savais jamais s'il allait rentrer le soir.

Je soupirai.

- Après que j'ai découvert son activité avec les chiens, je suis partie, mais il a cherché à me joindre, je l'ai revu plusieurs fois, je crois que ça me faisait du bien malgré tout. Et un jour je n'ai plus eu de nouvelle de lui. Il s'est fait incarcérer pour une histoire de règlement de compte, un gars adverse aurait été planté, mais je crois qu'ils n'ont pas vraiment pu prouver qui était l'auteur du coup. En vérité j'en sais rien. Tout ce que je peux te dire c'est que j'ai mis du temps à me relever.

Et soudain...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant