- 23 -

1.9K 85 44
                                    

Je passai mes mains sous sa tête, secouant son corps. Je sentis mon cœur bondir dans ma poitrine quand je vis ces yeux grands ouverts, ses beaux yeux si expressifs, devenus soudainement vitreux. Je pris conscience que le groupe resté derrière moi ne bougeait pas.

- Appelez les secours ! Faites quelque chose !

Je sentis vaguement quelques mouvements aux alentours alors que ma vue se troubla.

- Hakim !

La voix de son frère déchira le silence.

- Laissez-moi putain, Hakim !

Il continua d'hurler s'éloignant de plus de plus de nous. Je l'entendais se débattre et voyais avec précision ses amis l'attirer au loin malgré mes yeux clos. Sa voix finit par ne devenir qu'un murmure, puis disparaitre complètement.

- Ne m'abandonne pas, j'ai besoin de toi.

Je voyais mes larmes inonder son visage. Je pressai ma joue contre sa peau, ignorant la douleur de l'écrasement de ma pommette contre la sienne.

- Je t'ai menti l'autre jour Hakim. Tu sais, quand je t'ai dit que je ne tomberais pas amoureuse de toi. Je t'aime, me laisse pas.

Je continuai à le bercer, incapable de le lâcher, de me séparer de lui. J'avais peur. Si je le quittais aujourd'hui, je le quittais pour toujours. Je murmurai son prénom. « Hakim ». La douleur que son prénom déclenchait en moi semblait si vivante, et pourtant il était déjà mort.

Je sentis une pression sur mon épaule, mais l'ignora, resserrant davantage mon étreinte.

- Charlotte, il faut y aller, les flics vont débarquer.

Peu m'importait ce qu'il se passait, je n'allais pas le laisser seul ici, dans le noir. D'un coup d'épaule, je dégageai sa main.

- Doums, grouille ! Laisse-la !

Il se releva.

- Charlotte, les flics doivent pas savoir. Ils doivent pas savoir qu'on était là.

Je ne répondis rien. Il n'y avait plus rien à dire. Je ne voulais plus que le silence. Le silence et Hakim.

J'avais passé les deux jours suivants enfermée chez moi, dans un brouillard épais. J'avais peu de souvenirs de ce qu'il s'était passé depuis la mort d'Hakim. Je me revoyais vaguement au poste de police, expliquant que mon ex était violent, et que, probablement par jalousie, il s'était attaqué au maghrébin.

Je savais qu'il y aurait des représailles. Peut-être même que Kerian divulguerait ses combines avec Sam. Il pouvait bien tomber, je n'en avais rien à faire. Sans Sam, tout cela ne serait pas arrivé.

Je voulais que tout finisse au plus vite. L'autopsie, l'enterrement, mes relations avec les autres. Plus rien n'avait d'importance maintenant qu'il était parti.

Il avait laissé un vide glacial autour de moi, plus jamais je n'assisterai à ses colères froides, plus jamais je ne raillerai son caractère ombrageux, son humour des cavernes et ses mises à mort sanglantes dès qu'il ouvrait la bouche. Il pouvait être odieux, il pouvait être attachant. Il n'était plus rien à présent, qu'un souvenir ardent et douloureux.

Je soupirai, la tête dans mes genoux. L'enterrement était prévu dans quelques jours. J'attendais ce jour comme une délivrance, et le temps paraissait prendre son temps, les secondes s'écoulaient à l'infini, revenant toujours au point de départ, escalier de Penrose qui me regarde d'un air narquois, entourant de tout son mépris.

Puisque je n'avais pas été capable de profiter des heures qui m'avaient été offertes auprès d'Hakim, j'allais souffrir à l'infini. Combien je regrettais de ne pas avoir mis à profit tous ses jours ensemble. Mais je n'avais pas réalisé à quel point il était important à ma survie. Il est devenu tout ce que je voulais, s'immisçant sournoisement dans ma vie sans même que je ne le visse venir.

Et soudain...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant