La Potion Oubliée

Bienvenu à Fallen Coast

— Ceux qui vont à Fallen Coast par ici !

Un jeune homme en short orange, tong et débardeur gris fait de grands signes aux passagers de l'avion, nous invitant à le suivre. Nous récupérons nos bagages et le rejoignons à côté d'un car orange vif sur lequel s'étale en lettre dorée « Fallen Coast la ville mystérieuse ». Je hausse un sourcil.

— Oui on a décidé de tout miser sur les légendes surnaturelles, m'explique le guide en m'aidant à charger mon imposante valise.

— Depuis quand ? ne puis-je m'empêcher de demander.

J'essaie de me remémorer mon enfance, mais à aucun moment il n'était question de vampires ou d'autres créatures imaginaires.

Il ne répond pas, trop occupé à lorgner sur les jambes de Carla. Je m'écarte pour laisser passer les autres passagers désireux de se décharger de leurs lourds bagages. J'en profite pour m'étirer, ces trois heures de vol m'ont complètement cassées. Je pose mon sac à main à mes pieds, le temps de remonter mes cheveux roux en une queue de cheval mais à peine ai-je enfilé l'élastique qu'une main se faufile et que mon sac disparaît. Je m'élance à la poursuite du voleur en criant, heureusement que j'ai opté pour des baskets. Je gagne du terrain, il ne s'attendait pas à ce que je sois aussi réactive. J'accélère le pas, mes séances de footing matinal vont enfin me servir à quelque chose. Un homme en uniforme arrive face à nous. En le voyant, le voleur lâche mon sac avant de traverser la rue, manquant par deux fois de se faire renverser. Il me faut quelques instants pour reprendre mon souffle, je suis bonne en endurance pas en sprint !

Le policier m'a rejoint et après avoir vérifié que j'allais bien, se baisse pour ramasser mon sac.

Quand il se redresse, je ne peux m'empêcher de le dévorer du regard. Ce mec est incroyablement séduisant. De beaux yeux noisette, des cheveux châtains légèrement décolorés par le soleil, une cicatrice au coin de la lèvre qui donne envie d'y passer la langue et il sent incroyablement bon. Un mélange de sel, de soleil et de menthe. J'ai du mal à déglutir. Il m'offre un sourire charmeur, sans doute est-il habitué à ce genre de réaction de la part du sexe opposé.

— C'est à vous je présume ?

Je tends la main, mais perdue dans la contemplation de ses yeux je laisse tomber le sac qui cette fois-ci révèle son contenu. Je baisse les yeux sur les flacons de pilules qui roulent sur le sol. Je m'empresse de les récupérer sous le regard suspicieux de l'inspecteur.

— Qu'est-ce que c'est ?

Son ton n'a rien d'amical.

— Rien, juste des pilules pour mes migraines.

Je peux lire dans ses yeux qu'il n'y croit pas une seconde.

— Je vais vous demander de me remettre votre sac. Nous avons une législation très stricte en termes de drogue.

Je suis abasourdie. J'ouvre mon sac et lui tends un flacon. Il l'ouvre pour le renifler :

— Laurier, écorce d'épicéa, camomille et essence de rose ?

— Euh... Oui, comment le savez-vous ?

— Peu importe. Je suis désolée mais je vais devoir confisquer vos flacons pour une analyse plus poussée.

Je blêmis. Je m'accroche désespérément à mon sac ce qui n'arrange pas ma situation. Maintenant il va me prendre pour une droguée dépendante.

— Mais je vous jure que ce ne sont que des plantes à usage thérapeutique, et puis j'ai passé sans souci les contrôles à l'aéroport.

Je me force à me détendre. Agir comme si ma vie dépendait de ces pilules ne va pas faire avancer les choses. J'essaie de ne pas paraître exaspérée.