Et gros dérapages

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Je le suis à regret et nous reprenons nos places sur les fauteuils en cuir. Adrian termine son verre, semblant réfléchir à la meilleure façon de m'expliquer le processus :

— Le monde des vampires est très fermé. Du fait de leur longévité et des difficultés pour les tuer ils évoluent en petit comité. Cependant, parfois, nous avons besoin de remplacer certains membres ou d'agrandir la communauté pour la renouveler, et nous offrons à quelques personnes triées sur le volet la possibilité de rejoindre nos rangs.

— Vous avez des critères de sélection?

— Bien sûr. Nous ne recrutons par n'importe qui. Tout d'abord il faut être sans attache, ni famille, ni ami. Il est plus facile pour une personne seule de « disparaître ». Ensuite, il faut être doté d'un certain charme. C'est peut-être discriminatoire mais les vampires sont censés être beaux, nous avons une réputation à tenir. Enfin, et c'est le plus difficile, il faut avoir une sensibilité au monde magique.

Je fronce les sourcils :

— Une sensibilité ?

Il acquiesce :

— La magie est tout autour de nous mais très peu d'humains y sont sensibles, or un vampire est une créature magique, du pouvoir coule dans ses veines et il faut que cette magie soit acceptée dans le corps humain. La transformation passe par un échange de sang, le vampire boit celui de l'humain jusqu'à le faire frôler la mort et ensuite il lui fait boire le sien. C'est un peu le même principe que les groupes sanguins sauf que là c'est plus simple : tu es compatible tu es transformé, tu ne l'es pas, tu meurs.

Je hoche la tête pour montrer que je comprends.

— Et Carla était compatible, je suppose.

— Oui. C'est elle qui est venu à nous. On l'a repéré sur des forums sur lesquels nous laissons trainer nos yeux. Elle était la candidate parfaite, intelligente, intéressée sans être une fanatique, orpheline et sans réel ami.

— Sans oublier très séduisante, ajouté-je en guettant sa réaction.

Il esquisse un sourire amusé :

— Terriblement séduisante.

Je me renfrogne ce qui le fait sourire plus franchement.

— Nous avons donc pris contact avec elle, tâté le terrain pour être sûr de notre choix. Il a fallu lui prouver notre existence et l'un des nôtres est allé la trouver. Il lui a montré ce qu'il en était, juste assez pour la convaincre.

Je sursaute.

— Pourquoi ne pas l'avoir transformée là-bas ?

Adrian se lève de son fauteuil et s'assied sur le coin de la table basse :

— Plus le vampire, qui transforme est âgé, mieux c'est. En donnant notre sang, nous transmettons une partie de notre capacité à nous contrôler. De plus, un jeune vampire est difficile à gérer dans les premières semaines, ici nous avons ce qu'il faut pour les retenir et les former.

Je réfléchis à ses paroles tout en portant le verre de whisky à mes lèvres. Je laisse le liquide me brûler la gorge. J'imagine un endroit souterrain avec des cellules pour vampires incontrôlables.

— Pourtant quand je l'ai vu, Carla m'a paru tout à fait capable de se réfréner, objecté-je.

— Dès le moment où tu es apparue, avec tes recherches et tes accusations, j'ai ordonné aux formateurs de se concentrer sur Carla pour la préparer à votre entrevue. Malgré tout, elle reste encore instable.

La Potion OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant