La Potion Oubliée

Remue ménage

J'établis un plan d'attaque. Tout d'abord trouver un magasin de reprographie et photocopier le portrait de Carla, ensuite le distribuer dans la rue, puis alerter la presse, monter une page Facebook, bref attirer l'attention. Si mes souvenirs sont bons, Carla m'a dit que de nombreuses personnes avaient disparu à Fallen Coast, je devrais peut être essayé de retrouver les membres des familles des disparus, monter un collectif, à plusieurs on est plus forts.

Gonflée à bloc, je m'attèle à la tâche et me voici en plein soleil à apostropher les gens pour leur donner une affiche. Les jours passent mais je n'obtiens aucune information. Je ne me laisse pas abattre et poursuis mes efforts. Maintenant, j'attends le soir pour me poster aux abords du club, je distribue le portrait aux touristes qui font la queue en leur précisant que la dernière fois qu'elle a été vue c'était dans ce club. Je laisse sous-entendre que l'endroit est louche, qu'il s'y passe des choses dangereuses et que les jeunes filles n'y sont pas en sécurité.

Si la plupart des clients font la sourde oreille, certains choisissent de quitter la file pour aller faire la fête ailleurs. Brutus, le videur, me fixe d'un air mauvais qui me file la frousse mais je ne me laisse pas impressionner.

— Vous dites qu'une jeune fille a disparu ? Mais pourquoi la police ne fait-elle rien ? me demande quelqu'un.

Je me retourne et me retrouve face à un homme d'une trentaine d'années, maigre avec un regard de fouine. Il porte un appareil photo en bandoulière et me fixe avec intérêt.

— La police est persuadée qu'elle a dû partir faire la fête avec quelqu'un mais ce n'est pas possible ! affirmé-je.

Il récupère quelque chose dans sa poche et me tend une carte de presse.

— Je suis David Kent, reporter au Daily Coast. Accepteriez-vous que nous discutions ?

Du coin de l'œil, je vois Brutus esquisser un mouvement vers nous. Je ne prends pas la peine de réfléchir et propose au journaliste d'aller dans un bar. J'accélère le pas pour mettre de la distance entre le club et nous.

Attablé dans un bar musical, je raconte à M Kent les circonstances de la disparition de Carla.

— Tout le monde pense qu'elle est partie avec un mec mais dans ce cas, pourquoi ses affaires sont-elles toujours à l'hôtel ? Pourquoi ne m'a-t-elle pas contactée ? Je sais ce que vous allez dire. Que je ne la connais que depuis trois jours, que je me fais des films, mais je vous assure qu'il se passe des trucs louches dans ce club.

Il griffonne sur son calepin avant de reporter son attention sur moi.

— Je ne pense pas que vous ayez tort. Après tout, si vous n'aviez pas été là personne ne se serait rendue compte de sa disparition et si crime il y a eu il aurait été parfait.

Je reste bouche bée.

— Vous me croyez ? Vraiment ?

Un mince sourire apparaît sur son visage.

— ça fait un moment que je veux faire tomber Ellis, et grâce à vous je vais peut-être y arriver. Pourriez-vous me donner l'une de vos affiches ?

Je lui en tends une qu'il range soigneusement dans sa sacoche. Tandis qu'il porte son verre à ses lèvres, je prends le temps de le détailler, la trentaine, les cheveux châtains, un regard de fouine et des lunettes rondes posées sur le bout de son nez. A son poignet une vieille montre au bracelet usé, un souvenir de famille je présume.

— Alors, vous comptez faire quoi ? demandé-je, heureuse d'avoir un allié.

— Et bien, j'ai votre version des faits, dès demain j'irai recueillir celle de Ellis.