On sort?

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Je traverse le couloir menant à ma chambre, hantée par la vision de la réceptionniste. Cet hôtel est-il vraiment ce qu'il semble être ? Je secoue la tête en me traitant mentalement d'idiote. Je ne sais pas ce que j'ai vu, j'étais loin et peut être qu'en fait son collègue lui a dit un truc qui l'a agacé ou qu'elle a prévu de lui faire une mauvaise blague. Je gagne ma chambre qui par un heureux hasard jouxte celle de Carla. Je jette un œil dans la pièce, ma foi l'essentiel y est : un lit une place, un placard intégré, un petit bureau et une salle de bain avec WC. La pièce doit faire une vingtaine de mètre carré, ce n'est pas luxueux mais c'est très propre.

Les draps en coton sentent le frais, les murs ont été repeints récemment et la fenêtre avec vue sur la mer font de cet endroit un lieu tout à fait agréable. Je défais ma valise et entreprends de ranger mes affaires. Je suis en train de suspendre mes robes quand je suis interrompue par des coups frappés à ma porte. J'ouvre et une Carla survoltée fait son entrée :

— Ça te dit qu'on sorte ce soir ? me demande-t-elle.

Sa proposition me surprend. Je n'ai pas l'habitude de nouer des relations avec les autres, surtout quand je ne les connais que depuis peu. Je serais tentée de refuser mais elle insiste :

— Allez, dis oui !

Je pourrais décliner et l'orienter vers les autres filles du groupe mais je dois avouer que je suis flattée que ce soit moi qu'elle ait choisi. Je finis par accepter et nous convenons de nous retrouver à dix-huit heures dans le hall de l'hôtel. Elle regagne sa chambre tandis que je retourne à mon rangement. Une fois installée, je me déshabille direction la salle de bain pour me débarrasser de cette odeur de sueur qui me colle à la peau depuis que j'ai quitté le car.

Tandis que l'eau brûlante ruisselle sur mon corps, mes pensées s'égarent vers l'officier de police rencontré plus tôt. Il me tarde d'être à demain pour voir son air dépité quand il devra me rendre mes cachets. Je ne peux toujours pas concevoir qu'il m'ait prise pour une droguée. Ok, je devais avoir l'air fatiguée après le vol mais tout de même ! J'ai beau être en colère après lui, je ne peux cependant pas m'empêcher de penser à ses beaux yeux noisette avec des éclats d'or. Une douce chaleur commence à m'envahir :

— Lucie sors toi ce type de la tête, m'ordonné-je.

Malheureusement je ne suis pas très obéissante et cette fois-ci j'essaie de l'imaginer sans sa chemise.

Je finis par sortir de la cabine de douche, rouge comme une écrevisse. Je m'enveloppe dans une serviette éponge blanche avant de m'écrouler sur le lit. Je programme le réveil mais à peine me suis-je glissée dans les draps que la fatigue me déserte.

J'attrape mon portable et me mets à surfer sur le net. J'en profite pour envoyer un mail à Rosalie et un au Docteur Deyno pour lui dire que j'ai suivi ses conseils. Il me répond une dizaine de minutes plus tard. Il m'invite à reprendre rendez-vous dès mon retour pour que nous débriefions ensemble mon séjour. Il conclut en écrivant que quoi qu'il se passe avec ma grand-mère il en ressortira du positif. C'est bien, au moins un de nous qui est confiant sur l'issue de cette entrevue. Ma grand-mère. Comment va-t-elle réagir en me voyant débarquer chez elle sans avoir été prévenue ?

Une pensée traverse mon esprit : Et si elle avait déménagé ? Prise dans mes préparatifs pour mon voyage, je n'ai pas pensé une seule seconde qu'elle ait pu poursuivre sa vie et quitter Fallen Coast. D'ailleurs, rien ne me dit que le quartier où j'ai grandi n'a pas été transformé en autre chose. Je tape fébrilement sur Google map mon ancienne adresse. Grâce à l'option street view je peux avoir des images de ma rue. Je constate avec plaisir que rien n'a l'air d'avoir changé, si ce n'est les façades des maisons qui ont un peu vieilli. J'essaie de zoomer sur mon ancienne maison, mais la qualité d'image n'est pas terrible. Je me dis que sans doute elle a été vendue et que maintenant une famille y vit heureuse. A cette pensée mon cœur se serre. Finalement boire un verre avec Carla m'apparaît soudain comme une alternative réconfortante, mes problèmes familiaux pourront bien attendre demain.

Je me regarde une dernière fois dans la glace. Je ne suis pas trop vilaine. J'ai passé une robe légère vert amande, qui m'arrive à peine au-dessus du genou, avec un laçage dans le dos, le décolleté est léger ce qui me permet de me sentir à l'aise. J'ai chaussé mes sandales blanches, les seules que j'ai prises, et laissé libres mes cheveux qui cascadent sur mes épaules. J'applique une touche de rouge à lèvres carmin sur mes lèvres et enfile mon perfecto en cuir noir. Avant de partir, j'enlève le superflus de mon sac à main, à savoir un roman de Stephen King, une paire de chaussettes, mon bloc note et le prospectus remis par le jeune homme dans la rue. Je récupère mon flacon de pilules dans ma valise, prête à l'emporter, avant de me raviser. Si jamais quelqu'un me le confisque je risque d'être dans une mauvaise posture, mes migraines étant plus fortes le soir. Je réfléchis un court instant quand une idée me vient. Je verse quelques pilules dans un mouchoir en papier que je replie soigneusement et dissimule dans son paquet. Fière de moi, je quitte la chambre sans me douter un seul instant de ce que la soirée me réserve.

La Potion OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant