La Potion Oubliée

Pas tout à fait la même

Je reste pétrifiée quelques secondes avant de me jeter sur l'appareil :

— Carla ? C'est bien toi !

— Lucie ! Je suis tellement contente d'entendre ta voix. Je n'arrive pas à croire que tu aies lancé des avis de recherche.

— Où es-tu Carla ? Tu vas bien ?

Elle me rassure mais tant que je ne l'aurai pas vu je serai toujours inquiète.

— On n'a qu'à se voir ce soir ? A l'hôtel ? propose-t-elle.

A l'idée de revoir Bettina, mon sang se glace. Je préfère la voir dans un endroit neutre, à l'extérieur. Je secoue la tête avant de lui répondre :

— Et pourquoi pas le petit restaurant où nous avions dîné la dernière fois qu'on s'est vues.

Un silence se fait, comme si la communication était coupée. Je vérifie mon portable, le timer continue d'égrener les secondes.

— Lucie ? Tu es toujours là ?

— Oui, oui, dis-je en remettant le téléphone à mon oreille.

— C'est d'accord pour ce soir. J'ai tellement de choses à te raconter. On se dit vers vingt heures trente ?

J'acquiesce et lorsque nous raccrochons une vague de soulagement m'envahit. Carla est vivante ! Je n'arrive pas à le croire. Ce soir, je m'assure qu'elle va bien et ensuite je quitte cette ville qui ne m'aura attiré que des ennuis. J'ai une pensée pour Adrian et son club. Et si j'avais tout inventé ? Peut-être que sous l'effet de ma migraine j'ai cru entendre des choses, les menaces des employées n'étaient sans doute que des hallucinations. Je me prends la tête, voilà que je me mets à douter de tout. A ce rythme-là, je vais être bonne pour être internée. Je dois vite retrouver ma vie tranquille, loin d'ici. Je surfe sur mon ordinateur pour commander un billet de retour. Je ne peux pas rester ici plus longtemps.

Fatiguée, je somnole sur le canapé jusqu'à ce que le chat décide de nouveau de planter ses griffes dans mon mollet. Je me réveille en hurlant. C'est décidé, je vais le faire passer par la fenêtre celui-là. Je lui cours après dans le salon avant d'aviser l'heure. Mince, encore un peu et j'allais être en retard. J'attrape mon sac à main à la volée et me précipite dehors. J'arrive au restaurant pile à l'heure et m'installe sur une banquette en cuir blanc sur la terrasse. Ma jambe s'agite, signe de ma grande nervosité. Les minutes passent, aucune trace de Carla et je commande un cocktail pour me calmer. J'aurai dû appeler Wallace. Venir seule n'était peut-être pas la meilleure idée.

— Lucie !

Je sursaute et me lève précipitamment. Carla est là, face à moi, vêtue de la même robe blanche que lorsqu'elle a disparu. J'avance vers elle pour la prendre dans mes bras mais elle se détourne et s'assied sur la chaise en face la banquette.

— Je n'en reviens pas que tu aies cru que j'avais disparu, dit-elle en rejetant ses longs cheveux bruns en arrière. Malgré moi, sa beauté me subjugue. C'est exactement la même femme que j'ai rencontrée dans l'avion et pourtant, je la trouve différente. Plus belle, ses mouvements sont plus gracieux, plus léger mais malgré tout, ses yeux ne reflètent pas la sérénité qu'elle essaie d'afficher. Au contraire, j'ai l'impression qu'elle regarde de tous les côtés, inquiète, à l'affut d'un danger que j'ignore mais qui semble l'entourer.

— Carla, tu es sûre que tu vas bien ? Si tu veux, j'ai un ami dans la police, je peux l'appeler, dis-je en sortant mon portable.

Sa main se pose sur la mienne à la vitesse de la lumière :

— Lucie, écoute-moi. Je vais très bien. Je vais tout te raconter.

Le serveur nous apporte une assiette de tapas tandis qu'elle commence son récit. Elle m'explique avoir rejoint une salle privée à l'étage du « Lost Paradis » et y avoir rencontré un homme exceptionnel. Elle laisse sous-entendre qu'il s'agirait d'un prince arabe et qu'il lui a proposé une virée sur son yacht.

— Je suis descendue pour te prévenir et récupérer mon sac à main mais tu avais disparu. J'ai cru que tu étais rentrée à l'hôtel et... je suis désolée de ne pas t'avoir averti mais en même temps, on venait de se rencontrer. Je ne pensais pas que tu irais jusque-là... pour moi.

Ses yeux s'embuent.

— Merci de t'être inquiétée. Tu es bien la seule dans ce monde à te soucier un tant soit peu de moi.

Je luis souris avant de me frapper le front du plat de la main :

— Mince ! Ton sac à main. J'ai complètement oublié de te le ramener.

Elle hausse les épaules comme si cela n'avait aucune importance. Je remarque aussi qu'elle ne touche à rien du délicieux plateau de tapas apporté par notre serveur, elle est très nerveuse. Un bruit derrière elle la fait sursauter et soudain son expression se transforme, elle est terrorisée. Je penche la tête pour voir ce qu'il s'est passé. Visiblement, un verre s'est brisé et une femme saigne de la main, rien de grave et pourtant Carla est affolée.

— Je vais devoir y aller, s'exclame-t-elle en se levant.

Elle quitte la table mais je la suis et l'attrape par le bras. Je suis surprise par la froideur de sa peau et par sa force lorsqu'elle se dégage d'un mouvement sec.

— Va-t'en Lucie. Je vais rejoindre Hakim, nous avons prévu de faire le tour du monde. On serait déjà partis depuis longtemps si on n'avait pas trouvé ton affiche.

— Carla, je sais que tu mens. Dis-moi ce qu'il se passe, je suis sûre que je pourrais t'aider. Je ne veux pas te perdre, encore.

Lorsque ces derniers mots franchissent mes lèvres, je m'aperçois que c'est vrai. Je me sens proche d'elle alors que je ne la connais quasiment pas. Je crois que ça ne tourne pas rond chez moi, il y a encore quelques heures je ne voulais que rentrer chez moi et maintenant je veux seulement la ramener. Cette fille réveille quelque chose chez moi, mon instinct de protection.

Elle secoue la tête :

— Je n'ai pas besoin d'être sauvée Lucie. J'ai exactement tout ce que je voulais avoir.

— Je ne te crois pas et je ne m'arrêterai pas.

Je m'avance vers elle et la prend dans mes bras. Elle se raidit mais n'essaie pas de s'échapper.

— Tu as toutes les réponses en ta possession Lucie, murmure-t-elle au creux de mon oreille.

Sa bouche frôle mon cou, je la sens trembler dans mes bras.

— CARLA !

Une voix masculine claque et c'est comme si mon amie avait été électrocutée. Elle s'éloigne vivement et part en courant. En moins de trente secondes elle a de nouveau disparu dans la nuit. Retour à la case départ. Sauf que maintenant je sais qu'elle est en vie.

Petit mot de moi: Enfin Carla est de retour!!! Avouez qu'elle vous avait manqué!! Bisouxxxxx