Sans aide

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Après m'être arrêtée acheter une paire de tongs en plastique, me voici de nouveau devant ma maison, sauf que cette fois-ci j'ai les clés. Je pousse le portillon et suis accueillie par un miaulement. Assis sur le paillasson, en train de se lécher la patte, je retrouve le chaton aux yeux orange.

— Salut toi, dis-je en m'approchant.

Il penche la tête sur le côté, semblant me jauger, puis d'un bond il s'échappe dans le jardin. Je décide de l'ignorer, après tout n'y a-t-il pas un proverbe disant « fuis moi je te suis, suis moi je te fuis » ? Je poursuis mon avancée jusqu'à la porte d'entrée et insère la clé dans la serrure. Oui j'ai accepté l'héritage et j'entame la période d'essai d'un mois. Après avoir signé tous les papiers, Edmond Huggins m'a remis l'enveloppe scellée et les clés. Je suis ensuite passée récupérer ma valise et quitté la chambre d'hôtel douteuse dans laquelle j'ai dormi la nuit dernière. Je pousse la porte et pénètre dans la demeure. Une odeur de camomille envahit mes narines me replongeant en enfance. Je viens de tomber dans le jardin, mes genoux sont égratignés et ma mère me serre dans ses bras pour apaiser mon chagrin. Elle m'entraîne jusque dans la cuisine et lance une bouilloire. Elle remplit une boule à thé de sa préparation secrète avant de faire couler l'eau chaude dans une tasse :

— ll n'y a rien qu'une bonne tasse de thé ne puisse guérir, dit-elle.

Ma gorge se serre à ce souvenir mais je me force à avancer. Comme me l'a expliqué Monsieur Huggins, ma grand-mère était chargée de l'entretien, ce qui explique la propreté des lieux et que tout soit opérationnel. Je grimpe l'escalier en bois qui craque sous mes pas afin d'atteindre les chambres. Je pousse la première porte à gauche et me retrouve dans celle de la gamine de dix ans que j'étais. Des peluches jonchent mon petit lit à l'effigie du roi lion, des posters de Pokemon sont accrochés aux murs, un album de cartes à collectionner est posé sur ma table de chevet, surmonté d'une lampe coquillage et un coffre en bois déborde de jouets d'enfant. Je souris intérieurement, même si cette chambre est la mienne, il n'y a aucune chance que je rentre encore dans le lit. Je pousse la seconde porte, même si je sais ce qui s'y trouve, je ne peux empêcher mon cœur de s'emballer. Contrairement à ma chambre, les volets sont restés fermés et les meubles sont couverts de draps noirs. Ma grand-mère ne doit pas y venir souvent car la pièce sent le renfermé et de la poussière recouvre les cadres photos disposés sur la commode. Je referme doucement la porte, je ne suis pas encore prête à affronter ça. Je choisis donc d'occuper la troisième chambre. Cette dernière respire la fraicheur, et sa fenêtre permet d'apercevoir la mer. Je fronce les sourcils en constatant que le lit a été fait et qu'un brin de lavande fraiche a été déposé sur l'oreiller. Je hausse les épaules, peut être que ma grand-mère vient dormir ici de temps en temps. Repenser à elle ravive ma colère, je ne peux pas croire qu'elle soit devenue si avare et me promets d'éclaircir les choses rapidement. Je déballe mes affaires, rangeant mes vêtements dans la vieille armoire en bois dont les portes coincent légèrement quand mon regard se pose sur mon sac à main contenant la lettre. Je n'ai pas pu l'ouvrir devant le notaire, je voulais garder ce moment juste pour moi. Je m'assieds sur le rebord du lit, m'enfonçant dans le matelas et tend le bras pour la récupérer. Je fais tourner entre mes doigts l'enveloppe, n'osant pas briser le cachet de cire. Au moment où je me décide, la sonnerie de mon portable retentit, me faisant sursauter.

— Allo ?

— Lucie, salut c'est Wallace. Tu vas bien ?

— Oui, oui ça va et toi ?

Il semble hésiter, comme s'il n'était pas libre de parler.

— Il faut qu'on discute. On peut se voir à midi ?

— Bien sûr. Tu n'as qu'à venir chez moi, 49 Régent Street.

— Chez toi ? s'étonne-t-il.

— Ouais, j'ai hérité d'une maison.

La Potion OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant