𝟏𝟎

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La rencontre
est la plus belle
des morts.

𝓨𝓾𝓷𝓪

Mon crayon noir en main je peaufinais les derniers détails du tatouage.

J'étais fière, je m'améliorais. Mon travail était plus soigné, mes courbes plus souples et mon style plus affirmé.

Marlon était également content. Et il ne regrettais pas le moins du monde de m'avoir prise dans son salon.

- Muñeca? Hé ho! Fit mon patron en passant sa main devant mon visage.

Je décrochais un écouteur, le faisant lamentablement pendre le long de mon poitrail.

Il souffla grassement.

- Je sais que tu tiens absolument à finir ce projet pour le montrer au client. Mais en attendant, ton rendez-vous de 3:30 pm est arrivé.

Je hochais simplement la tête et me levai pour aller à la rencontre du nouveau client. Mon classeur à la main, je le feuilletais rapidement à la page d'aujourd'hui pour voir si une commande avait été faite.

- Bonjour. Je viens de voir que vous n'avez passé aucune commande de dessin, vous avez une idée de ce que vous voulez faire?

Il me lorgnait sans aucune gêne de bas en haut.

- Hum, oui j'ai ma petite idée.

Son regard s'arrêta dans le mien et il me sembla un court instant familier. Jusqu'à ce qu'il détourne le regard, un rictus aux lèvres.

Il extirpa habilement de son blouson un papier soigneusement plié et me le tendit tout en conservant cette certaine grâce que ses gestes laissaient transparaître.

Je depliai soigneusement la feuille et découvrit avec béatitude la complexité du modèle.

Il était somptueux.

- Vous êtes prêts?

- Toujours.

Je le guidais d'un pas lent vers la salle à l'arrière.

- Où le souhaitez vous?

- Dans le dos.

J'observais toujours avec minutie le dessin. Il faudra au moins trois séances, si ce n'est quatre.

- Aujourd'hui, nous ferons une séance de 3 heures. Lui fis-je simplement remarqué.

- Bien. Il opina.

J'enfilais mes gants, mon masque et pris un coton afin de désinfecter la peau et j'appliquais enfin le calque.
Une fois ma Dragonfly désinfectée, le travail pouvait commencer.

Cela devait faire déjà bien 2 heures que je travaillais et j'étais déjà à la fin de ma playlist.

Le client du nom de Richard Owells - j'avais regardé son nom sur la fiche de réservation - n'avait pas décroché un mot depuis le début de la séance.

Et par "mot" je comprenais absolument tous les sons que pouvaient émettre un humain. Pas même un léger gémissement de douleur n'avait passé la barrière de ses lèvres.

En réalité, je me fichais royalement de la douleur de mes clients. Le tatouage était leur choix. Mais je trouvais que la douleur occasionnée par cette marque était indéfectible. Elle était comme un rituel de passage pour l'obtention du dessin. Comme si elle prévenait qu'il fallait souffrir pour être magnifique.

Il souffla légèrement et tourna lentement sa tête pour me jeter un coup d'oeil très peu discret.

- Quel est ton rêve?

𝓗𝓮𝓵𝓵'𝓼 𝓡𝓸𝓪𝓭 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant