Un Nouveau Départ (Loki - Tome II)

Attentes et espérances

Les divinités s'étaient prononcées. Une délibération avait été prise. Un nouveau souverain venait d'être choisi. Au dehors, le peuple, déjà bien échauffé par les rumeurs et l'attente, s'était pressé devant les portes du palais pour tenter d'apercevoir la silhouette de celui qui régnerait sur la cité en attendant le retour du roi légitime.

La chaleur d'un après-midi d'automne enveloppait les corps déjà transpirants de la foule curieuse et bouillonnante qui s'agglutinaient toujours un peu plus près des marches. Portées par un vent chaud né dans les terres du sud, des feuilles mortes voletaient dans les airs tandis que les rayons ardents du soleil embrasaient les façades éclatantes de la demeure des dieux. De leur réverbération éblouissante s'élevait un air tiède et pesant qui s'étendait sur toute chose.

Étuve étouffante, la place aux pavés brûlants donnait dans l'exaltation, excitant les espérances de certains qui avaient foi en la continuité, attisant chez d'autres les flammes du désir de voir un visage nouveau surgir des portes dorées. D'innombrables têtes anonymes se levaient au-dessus de la mêlée dansante, vague humaine sombre s'approchant des rivages dorés du palais. Tous espéraient poser les yeux sur le nouveau suzerain.

Imperturbables, des centaines d'Einherjar bloquaient cette marée bourdonnante qui ne cessait de grossir. Une forte tension électrisait la foule qui guettait le moindre signe. Les Asgardiens avaient perdu leurs repères, ils avaient perdu leur guide. Ces orphelins capricieux et versatiles cherchaient une entité rassurante en laquelle ils retrouveraient la foi. En elle, ils pourraient placer leurs attentes, leurs aspirations qui n'étaient plus que lambeaux de corde tendue au-dessus d'un précipice sans fond.

Galvanisés par la croyance et l'espoir ils échapperaient à la peur du vide, à l'angoisse du néant magnétique, qui rongeait leur existence comme les vers se repaissant avec obscénité de la chair des morts. À chaque nouvelle morsure, à chaque nouveau morceau englouti, tout était à reconstruire. Et la rencontre allait être décisive. La partie venait de commencer. C'était quitte ou double.

En haut des marches du palais et dans l'ombre des portes dorées grandes ouvertes, trois guerriers épiaient la foule.

Instinctivement, Tyr serra la poigne de son épée reposant dans le fourreau qui descendait le long de sa cuisse. L'air grave, il scrutait le peuple amassé au bas des marches et échangea un regard anxieux avec Brünehilde qui souriait. La Valkyrie semblait être la seule à retirer un certain plaisir de la situation. Nerveuse, Sif observait, quant à elle, les visages de ses deux camarades. La guerrière avait conscience de l'instant crucial qui allait se jouer. Elle l'avait pleinement mesuré, en tout cas le pensait-elle.

Avec Tyr et Brünehilde, elle avait orchestré la cérémonie du couronnement quelques jours seulement après la tenue du fameux conseil. Ils avaient longuement pesé les risques qui émanaient d'une telle présentation avant d'en avertir Sigyn qui, sans surprise, avait refusé de se pavaner devant les Asgardiens. Tous trois étaient tout de même parvenus à la convaincre en brandissant la menace d'une révolte.

Pourtant le danger guettait, imprévisible prédateur dans l'ombre. Le peuple est par nature impétueux mais aussi aisément manipulable et corruptible. Vidar avait quitté la cité et il avait réussi, disait-on, à gagner la confiance de certains nobles demeurant au Nord des terres. Qui savait ce qu'il était sur le point de fomenter? De quoi était-il réellement capable?

Chose certaine, il fallait porter le premier coup et le faire avec présomption et grandiloquence dans le plus pur style asgardien pour espérer ravir le cœur du peuple. Mieux valait être le premier à engager le combat pour gagner ses faveurs. Mieux valait être le premier à le séduire. Et quoi de mieux que de lui livrer une souveraine qu'il connaissait et dont le nom, la bienveillance et la vertu, était déjà sur toutes les lèvres.