Brisés

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Les feux de la cité qui ne dormaient jamais avaient définitivement remplacé les rayons d'or du soleil dont la pâle lueur qui illuminait la voûte céleste rougie était lacérée par les silhouettes imposantes des immeubles de grande hauteur. L'effervescence était totale à l'angle de la Park Avenue et de la East 64th street au cœur même du quartier chic de l'Upper East Side.

Des dizaines de personnes se pressaient autour d'un bâtiment imposant à l'architecture néoclassique lourde et ostentatoire. Des façades rouge brique, chacune découpée par des colonnes blanches surmontées d'un fronton triangulaire massif, accueillaient avec austérité les invités, impatients de découvrir ce qui se tramerait sous l'immense sanctuaire qui s'élevait entre ces murs bouffis d'orgueil.

Alors que l'agitation gagnait les noctambules, une longue limousine noire s'arrêta à l'arrière du monument. Les portières s'ouvrirent. Amora s'extirpa du véhicule sombre. Le corps voluptueux, moulé dans un habit vert si caractéristique, elle s'avançait vers le bâtiment qui était sous bonne garde. Ses talons hauts claquèrent sur le sol luisant des feux de la ville lorsque Loki et Verity quittèrent, à leur tour, le véhicule. Impeccablement vêtu d'un complet noir, le dieu du chaos enjoignit le pas de l'Enchanteresse. Entraînée dans une intrigue qui ne la concernait pas, la jeune mortelle suivit Loki en scrutant les alentours d'un air anxieux.

D'innombrables personnes entraient dans le bâtiment. Les sorcières avaient répondu en masse à l'appel de leur consœur. Il y avait du monde, beaucoup trop de monde. Deux maîtres des arts mystiques, un dieu déchu et une gamine ne suffiraient pas. Strange avait sous-estimé l'événement ou bien surestimé leur pouvoir d'action.

Une main invisible frappa l'estomac de la jeune femme. Une forte douleur s'empara de ses entrailles comme si un tison brûlant remuait violemment sa carcasse. Des spasmes intenses grouillèrent dans son intérieur. Puis, une boule désagréable se forma et souleva son estomac pour remonter le long de sa gorge. Ses membres frêles tremblaient sous l'attaque qui paralysait Verity. Elle fut immédiatement prise d'un haut-le-cœur intenable. La jeune femme porta une main devant sa bouche quand une convulsion dilata son pharynx et fit palpiter son épiglotte. Un dégoût instinctif saisit la mortelle dont la gorge venait de simuler un mouvement de régurgitation.

Ne sentant plus sa présence, Loki se tourna et vit la jeune femme figée, le dos courbé vers l'avant, une main couvrant sa bouche. Agacée, l'Enchanteresse s'impatientait devant la porte du bâtiment en frappant du pied le sol froid. Sans même porter attention à la sorcière, le dieu s'approcha de Verity pour l'exhorter à conserver une attitude détendue :

« Qu'avez-vous encore ? pesta-t-il entre ses dents pour ne pas éveiller les soupçons.

— Je n'arriverai pas. Il y a trop de monde et... et nous n'y parviendrons pas... nous sommes perdus..., tremblait-elle.

— Qu'est-ce qu'elle a encore ? s'écria Amora.

— Entre, ma belle, je te rejoins tout de suite », prévint le dieu qui se rapprocha de la jeune femme bouleversée.

Avec dédain, l'Enchanteresse disparut par la porte en rouspétant quelque chose contre la mortelle.

« Il va se passer quelque chose d'horrible, fit-elle haletante.

— Vous pouvez voir l'avenir maintenant ? s'amusa le dieu.

— Cesser d'être aussi désinvolte. Ne voyez-vous pas le danger qui nous menace ?

— Bien sûr que si, Verity, affirma-t-il. Mais je refuse de baisser les bras. Pas si prêt du but. Je ne sais pas comment Strange compte me renvoyer à Asgard mais je tenterai tout s'il le faut. Je veux simplement retrouver mon foyer. Ridicule, n'est-ce pas ? ricana-t-il pour se moquer de sa propre mièvrerie. Un dieu tel que moi, roi et divinité du chaos et de la tromperie, qui aurait pu régner sur Midgard et les Neuf Royaumes. Et le voilà entretenant un seul désir, celui de retrouver sa famille. Et pourtant c'est mon seul souhait désormais. J'ai vécu tant d'aventures, tant de péripéties que vous auriez peine à imaginer. J'ai essuyé tant d'échecs, tant de pertes. Je suis fatigué..., souffla-t-il. Renoncer est si facile, si tentant. Mais le destin s'est assez joué de moi et tant que je serai vivant, je n'abandonnerai pas, assura-t-il. Et si je meurs... eh, bien... j'aurais tout fait pour y parvenir car je ne supporterais pas de vivre avec le remords et le regret. Je ne me le pardonnerai jamais. »

Un Nouveau Départ (Loki - Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant