Un Nouveau Départ (Loki - Tome II)

Œil pour œil, dent pour dent

« Asgeir, va vers l'est. »

Tout en chuchotant, une femme, aux cheveux clair de lune dissimulée derrière un buisson, venait de donner des ordres à l'homme qui l'accompagnait. Portant des habits masculins sombres aux couleurs de la forêt, la femme s'était accroupie sans relâcher l'arc qu'elle tenait à la main. Sa taille était entourée d'une ceinture en cuir sur laquelle était accrochée une dague. De cette ceinture on pouvait apercevoir le carquois rempli de flèches aiguisées qui couvrait son dos.

« Remonte le sentier dans cette direction. Ils sont justes là, à quelques pas d'ici. Fais diversion pendant que moi j'attaquerai par l'ouest, continua-t-elle en faisant de petits gestes. »

L'homme acquiesça avant de se mettre en route vers l'endroit indiqué. Le plan se passait comme prévu et la stratégie de la femme à la chevelure opaline s'avérait implacable.

À pas légers, la guerrière contourna les buissons, sautant par dessus les rondins de bois qui couvraient le sol, traversant les ronces piquantes comme une ombre inaudible qui fondait sur une proie. Arrivée près d'une broussaille touffue, elle se tapit au sol. Ils étaient là, elle pouvait le sentir. En regardant rapidement vers sa droite, elle remarqua un grand rocher qui pouvait lui donner la hauteur nécessaire pour lancer les hostilités.

Étirant les épaules, ployant les genoux et roulant des hanches pour éviter chaque obstacle qui aurait pu trahir sa discrétion, elle se hissa sur le roc grisâtre en se mettant à quatre pattes pour observer ses futures victimes. Et elle ne s'y était pas trompée quand elle avait lu dans les traces qu'ils avaient laissées au sol, ils étaient bien au nombre de cinq.

Un sourire carnassier ourla ses lèvres quand elle leva son arc. D'un geste lent et maîtrisé elle sortit une flèche de son carquois et plaça minutieusement la corde dans l'encoche. Doucement, méthodiquement, elle banda l'arc tout en promenant son œil sur sa proie en cherchant son point anatomique le plus fragile. Il fallait frapper fort et mortellement pour espérer en tuer le plus grand nombre.

Une première flèche fut tirée. Elle fendit l'air dans un sifflement sinistre et traversa la peau d'une des victimes. La précipitation et la panique les gagnèrent. Ils n'avaient plus qu'une idée en tête fuir pour échapper au destin. Ce fut à ce moment que, dans un cri de guerre, la femme bondit de son point d'observation pour charger ses proies qui détalaient.

« Frodi !, cria-t-elle. »

À cet appel, une épaisse fourrure blanche surgit des buissons en se ruant sur les cervidés qui tentaient de se sauver en bondissant. Grognant et montrant des dents pour apeurer le gibier, le loup blanc aidait sa maîtresse. Cette dernière, en parfaite chasseresse aguerrie, continuait de décocher des flèches funestes. Des cris plaintifs parvenaient des jeunes biches et du cerf qui venaient d'abdiquer. Blessés, ils s'étaient couchés sur la litière de feuilles mortes qui formeraient leur dernière couche. Les paupières alourdies par la mort, ils humeraient une ultime fois l'odeur entêtante de la forêt.

Déterminée et emportée par sa fièvre meurtrière, la chasseresse dégaina sa dague pour achever les blessés. Dignement, elle s'approcha du cerf aux bois gigantesques qui perdait haleine en grattant le sol de ses sabots puissants. Elle plaça une main sur le sommet de son crâne pour l'apaiser. Elle caressa avec respect sa couronne à quatorze cors et le duvet qui entourait ses grands yeux noirs et pleins où se reflétait déjà l'éclat blanc de la mort. Tout en prononçant des mots doux, elle fit glisser sa lame froide et aiguisée contre la gorge chaude du roi de la forêt qui agonisait. Un râle s'échappa de son museau humide et ronflant. Le sang, bouillant et fluide, s'écoula pour nourrir la terre humide et sombre qu'il avait foulé de ses sabots.

Derrière elle, deux présences masculines s'approchèrent. Ce n'était qu'Asgeir et un autre de ses guerriers.

« Maîtresse, fit-il pour attirer l'attention de la chasseresse