La dernière nuit

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Une légère brise du soir rafraîchissait les appartements royaux. Les longs voilages frémissaient déjà de la langueur de l'automne qui serait bientôt chassé par le rude hiver. Fardée de ses couleurs flamboyantes, la saison ne tarderait pas à perdre son éclat. Le temps s'écoulait ainsi et les premiers frimas engourdiraient la nature, glaçant la sève et la vie elle-même. Tout ne serait plus alors qu'un souvenir mélancolique.

Baignés dans une obscurité grandissante, les lieux semblaient assoupis. Puis, un coup de vent inattendu fit s'élever les tentures de la pièce quand la porte principale s'ouvrit lentement. À pas mesurés, des ombres chuchotantes se faufilèrent furtivement dans la chambre. Flottant dans la nuit, glissant sur le sol, sombre et brillant, des chandelles allumées s'éparpillèrent avant de raviver les flammèches des dizaines de bougies éteintes qui étaient disposées dans la pièce.

Une apaisante clarté naquit doucement des ténèbres et permit de distinguer plus nettement les contours des meubles et objets entreposés. Celles d'une table en bois sombre, d'une coiffeuse dorée où traînait quelques bijoux, et au milieu d'eux, bien disposé et en évidence, le fameux collier d'émeraudes offert par les nains lors de la visite de Loki. D'autres lignes, plus courbes et généreuses, se dessinèrent sur la couche royale. Une ombre sursauta en y apercevant la reine. Étendue sur le côté, les genoux fléchis, les mains ramenées vers son cou, elle dormait.

« Je croyais qu'elle n'était pas ici, murmura une ombre encore émue de sa découverte.

- Tu vois bien qu'elle y est, s'agaça une voix mûre. Dépêche-toi ! Prends le linge sale, et on s'en va.

- Nous devrions la réveiller, suggéra une autre ombre, le banquet ne tardera pas à être donné.

- Ce n'est pas à nous de le faire. Et puis elle a besoin de repos », ordonna la voix la plus âgée.

Cette dernière examina le visage de la déesse. Les yeux clos, les traits relâchés, elle semblait si apaisée. Une respiration lente gonflait à un rythme régulier sa poitrine.

« Sören, la suivante, ne tardera pas à rentrer avec ses enfants. Donnons-lui quelques minutes de répit. »

Aussi silencieusement qu'elles étaient entrées, les servantes quittèrent la chambre royale. Quelques-unes venaient régulièrement pour changer les draps, emporter les vêtements sales et veiller à la propreté de la pièce. D'habitude, elles se débrouillaient pour être seules afin de ne pas importuner la reine et ses enfants, ce qui ne fut pas le cas cette fois-là. Alors qu'elles marchaient dans le couloir, l'une d'entre elles engagea la discussion.

« Vous ne trouvez pas qu'elle a un peu... disons... profité ? mima une des trois servantes en dessinant avec ses mains des seins rebondies.

- Il n'y a pas que de là, couina l'autre en réprimant un éclat de rire.

- Elle est peut-être enceinte, fit la première.

- C'est vrai ça, cela fait quelques mois qu'elle n'a plus souillé ses bas, constata l'autre.

- Chut ! Cela suffit maintenant, murmura la supérieure. Taisez-vous ! » siffla-t-elle en entendant des voix s'approcher.

Sur le chemin et à l'angle d'un couloir menant vers l'aile est du palais, les servantes rencontrèrent Sören accompagnée de Nari et Vali. Les deux garnements se montraient étonnamment tranquilles au côté de la suivante à la mine fatiguée.

« Mes princes, ma dame », firent-elles en s'inclinant devant eux et en s'écartant du passage.

Les salués répliquèrent poliment par un signe de tête. Puis, ils se dirigèrent vers les appartements royaux. Le sourire aux lèvres, les jumeaux à la respiration quelque peu haletante, s'empressèrent d'ouvrir la porte pour entrer dans les appartements royaux.

Un Nouveau Départ (Loki - Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant