Comité d'accueil

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Une chose était sûre, le dîner serait servi dans la plus grande salle des banquets du palais. La première impression était souvent déterminante et s'il fallait négocier ou faire des alliances, autant ne pas lésiner sur tout le luxe et le faste dont la cour asgardienne était capable. Les serviteurs étaient sur le pied de guerre pour préparer les chambres des invités de marque qui étaient sur le point d'arriver. Et en cuisine, c'était le même branle-bas de combat. Des dizaines de paniers de nourriture débordant de légumes, de fruits et de gibiers de toutes sortes étaient acheminés jusque dans les fourneaux, les marmites et les poêles.

Au dehors, les préoccupations figeaient corps et regards. Et alors que l'orage grondait au loin, par-delà les montagnes sombres et immobiles qui entouraient la cité, debout en haut des marches du palais, ils attendaient patiemment l'arrivée de leurs semblables qu'ils n'avaient, pour certains, pas revus depuis des siècles.

Sif scrutait l'horizon avec sévérité tandis que Balder et Tyr discutaient de la suite des événements. Près d'eux et mutique, Sigyn fut prise d'une sensation désagréable qui s'emparait d'elle comme l'hiver aux branches des arbres. Quelque chose nouait son ventre qui se tordait, comme un nid de vipères, face à l'avenir incertain qui se profilait. Au plus profond de sa chair, elle redoutait cette rencontre.

Le ciel, assombri par des nuages noirs, écrasait les tours dorées du palais. Un autre grondement déchira la voûte céleste accompagné d'un bruissement. De grosses gouttes d'eau tombaient çà et là sur le sol, le couvrant ainsi de taches sinistres. Très vite, le bruit s'accentua et devint torrentiel. Une averse s'abattit sur les dieux devenus impatients qui tentaient de trouver un abri près des portes, grandes ouvertes, du palais.

Au milieu des gouttes, une silhouette à l'allure masculine, comme apparue de nulle part, s'extirpa de l'obscurité grandissante et se mit à gravir les marches quatre à quatre. Enroulée dans une cape et un manteau à fourrure épais, elle se dirigeait vers eux.

« Ils arrivent », annonça-t-il en retirant sa capuche.

Un homme blond et imposant à la mâchoire ciselée et aux larges traits se présenta à eux.

« Qu'en penses-tu, mon frère ?, demanda Balder.

— Difficile à dire, soupira Hermod, le dieu messager. Ils sont une poignée à avoir répondu à l'appel... à croire que le sort du royaume les indiffère. J'ai pu discuter avec certains et la tâche ne va pas être aisée. Il faudra faire preuve de diplomatie, avertissait-il en les regardant. Beaucoup se posent des questions, légitimes il faut le reconnaître...

— Tes paroles ne sont pas très engageantes, estima le frère tout aussi blond que lui.

— Les plus anciens vont se montrer réticents. Je n'ai aucun doute là-dessus... mais il ne faut pas oublier que la menace d'un affrontement peut jouer en votre faveur. Ils vont peser le pour et le contre et vont choisir l'option qui leur permettra de conserver le confort de leur vie sans remous. Ils ne veulent pas d'une énième guerre des chefs. Tous se souviennent des tensions entre Odin et ses frères Vili et Vé. Et si vous voulez avoir une chance de l'emporter, vous devrez immanquablement les séduire. »

Des éclairs balafraient les cieux en éparpillant sur l'horizon noir leurs ramifications lumineuses dans un fracas inaudible. La pluie battante avait redoublé d'intensité. Du sol humide, une brume dense s'éleva progressivement dans les rues de la cité, étouffant les habitations et dissimulant les quelques asgardiens encore dehors qui cherchaient un refuge. Ce fut alors qu'un cortège sombre s'échappa du brouillard. Une dizaine de silhouettes encapuchonnées, certaines montant des chevaux, s'avançait vers le palais.

Après avoir confié leurs montures à des gardes, les invités se lancèrent dans l'ascension des marches. Lorsque la première silhouette atteignit enfin le haut des escaliers, elle se découvrit. Un visage labouré par les siècles se dévoila. Une longue barbe blanche, hirsute et perlée d'eau, était surmontée d'un nez épais. Deux petits yeux noirs enfoncés croisèrent les iris marron de Sif.

Un Nouveau Départ (Loki - Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant