Chapitre 18

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Décembre débutait timidement, et avec lui l'effervescence qui précédait les fêtes. Dehors pourtant, les érables arboraient encore leur robe rougeoyante, et les feuilles dorées des ginkgos tapissaient le sol, vestiges d'un automne éclatant.

À travers la vitrine de Game Corner, Akira observait un vieux monsieur occupé à balayer consciencieusement ces mêmes feuilles, indifférent à la vacuité de sa tâche. Le jeune homme était en train de se questionner sur l'utilité de son propre travail lorsqu'une voix traînante interrompit ses pensées.

« Akira, où est-ce que je range ça ?

— Ça dépend de ce qui est écrit sur le carton... »

Le grand gaillard qui lui faisait face porta le carton en question au niveau de ses yeux et le tourna dans tous les sens.

« Ah ça y est, j'ai trouvé ! "PS4"... »

Akira le fixa d'un air insistant pour l'encourager à tirer la conclusion qui s'imposait d'elle-même, mais l'autre continuait à l'interroger désespérément du regard.

« Ça se range dans le rayon Playstation 4 », finit-il par lâcher dans un soupir, avant de rejoindre Makoto à la caisse.

« Alors, comment ça se passe avec Toma ? » s'enquit celui-ci en haussant un sourcil.

Akira lui lança un regard entendu sans prendre la peine de répondre. Depuis que le neveu du patron les avait rejoints au magasin, la charge de travail n'avait pas baissé ; au contraire, les deux collègues s'étaient retrouvés à devoir rattraper les nombreuses erreurs de leur nouvelle recrue en plus de répondre à ses questions incessantes.

« Je suis sûr qu'il se débrouillera mieux d'ici quelques semaines, reprit Makoto avec une confiance qui tirait vers le déni.

— Quelques semaines ? répéta Akira. Ça fait deux mois qu'il travaille ici et il n'a toujours pas l'air de savoir ce qu'est une PS4. »

Makoto le fixa avec des yeux perçants, comme s'il cherchait à sonder son esprit.

« Décidément, tu sembles avoir un don pour te mettre à dos les nouveaux. Est-ce que ce ne serait pas lié à celui qui occupait ce poste au départ...? »

Akira serra les poings en voyant le visage de Takeshi refaire surface dans sa mémoire.

« Ça n'a rien à voir, répliqua-t-il en tentant de maîtriser sa rancœur. Si je suis ton raisonnement, je devrais au contraire être ravi que cet enfoiré soit enfin parti, et j'accueillerais ses remplaçants à bras ouverts...

— Ou alors peut-être est-ce juste la boutique en elle-même qui te pèse ? analysa Makoto, qui semblait prendre son nouveau rôle de psychothérapeute très à cœur. Après tout, c'est normal d'avoir des difficultés à travailler dans un environnement lié à des souvenirs douloureux... »

Puis, en baissant un peu le ton : « Si ça t'intéresse, je connais quelqu'un qui cherche un employé à mi-temps : c'est un ami de mon père, il tient un magasin d'art toys pas très loin de ton université.

— Je te remercie, fit Akira en riant, mais tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement. Et puis, qui s'amuserait à parier avec toi sur les achats des clients ?

— Certainement pas ce cher Toma, répondit son collègue avec un sourire entendu. Il m'a avoué l'autre jour que le seul jeu auquel il ait jamais joué était Pokémon GO.

— Je comprends mieux pourquoi on le voyait errer dans les rayons avec son portable en main l'autre jour, soupira Akira. Et ça explique définitivement son incapacité à différencier une PS4 d'une Nintendo DS. Sérieusement, je pense que même le vendeur de la supérette d'à côté s'en sortirait mieux que lui.

Rendez-vous ce soir sur Dreamland [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant