Chapitre 20

113 15 18
                                    


Lorsqu'elle sortit de son appartement ce matin-là, Kaori respira à pleins poumons l'air doux et parfumé annonciateur de l'arrivée du printemps, et esquissa un sourire à la vue du sachet accroché à la poignée de sa porte d'entrée.

Mme Sato a encore frappé...

Sa voisine ne se lassait pas de la surprendre avec de gentilles attentions concoctées par ses soins ; cette fois-ci, il s'agissait de trois sakura mochi* emballés avec précaution dans du papier de riz. La vieille dame avait toujours été très perspicace, et ce n'était donc sûrement pas un hasard si son présent coïncidait mystérieusement avec les plans de Kaori pour la matinée... De bonne humeur, elle se mit en route vers Game Corner, un sourire accroché au visage et le sachet à son bras.

Les pruniers avaient déjà commencé à fleurir et leurs petites fleurs blanches égayaient les rues, chassant la grisaille hivernale. L'atmosphère de la ville était soudain devenue plus légère, et même les visages des passants paraissaient plus lumineux que d'habitude.

Malgré le fait qu'elle empruntait ce trajet tous les jours pour aller à la supérette ou à la gare, il lui semblait aujourd'hui pavé d'une étrange nostalgie. Lorsqu'elle poussa les portes de la boutique de jeux vidéo, elle dut résister au réflexe de se rendre dans l'arrière-boutique pour déposer ses affaires dans son casier et enfiler le gilet du magasin ; au lieu de ça, elle bifurqua vers la caisse et sourit lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de son ancien collègue.

« Kaori ! Ça fait plaisir de te voir », lança Makoto avec un sourire chaleureux.

La jeune fille réalisa soudain combien son optimisme et son assurance tranquille lui avaient manqués.

« Ça fait longtemps, dit-elle avec une certaine émotion. Quoi de neuf ?

— Toujours la moitié de dix-huit, fit-il avec un clin d'œil. Il n'y a pas eu beaucoup de changements depuis que tu es partie, à part le neveu de M. Tominaga qui s'avère un peu difficile à gérer... Mais parle-moi plutôt de toi ; comment se passe ton nouveau boulot ? »

Kaori joignit ses deux mains avec enthousiasme.

« Super bien ! Je ne te remercierai jamais assez de m'avoir recommandée pour ce poste. M. Yamada est très sympathique et m'a promis d'adapter mon emploi du temps à la rentrée.

— C'est vrai que les félicitations sont de mise ! Akira m'a dit que tu avais été acceptée à l'université...

— Merci, dit-elle en rougissant légèrement. D'ailleurs en parlant de lui, où est-il ? Je suis venue lui rendre les documents qu'il m'avait prêtés pour préparer mon dossier.

— On peut aller le voir si tu veux, il est dans la remise», répondit Makoto avant de quitter la caisse pour se diriger vers la pièce du fond.

Confuse, Kaori n'osait pas bouger ; avait-elle encore le droit d'accéder à l'arrière du magasin, sachant qu'elle n'y était plus employée ? Comme s'il avait senti son hésitation, Makoto se retourna et lui adressa un sourire encourageant.

« M. Tominaga n'est pas là aujourd'hui, si c'est ce qui t'inquiète... »

Cette information rassura un peu Kaori, qui se décida finalement à le suivre.

Lorsqu'elle entra dans la remise, elle fut frappée par l'étrange impression d'avoir quitté la boutique la veille. Un coup d'œil amusé vers les étagères lui indiqua que ses anciens collègues avaient gardé le système de classement qu'elle avait instauré et qu'Akira avait tant critiqué.

L'intéressé émergea d'ailleurs derrière une pile de cartons, l'air las mais agréablement surpris de voir la jeune fille.

Le contraste entre l'indifférence dont il faisait preuve à l'époque et le sourire qu'il lui adressait aujourd'hui était si grand que Kaori peinait encore à comprendre une telle transformation. Ces derniers mois, il n'avait cessé de lui apporter son soutien et l'avait même aidé à préparer son concours d'entrée à l'université, malgré le peu de temps libre dont il disposait. Était-ce parce qu'il se sentait encore responsable de son licenciement ?

Rendez-vous ce soir sur Dreamland [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant