No ordinary love

Chapitre 5

Tandis que j'ai le sentiment d'être abandonné, Colin acquiesce la proposition d'Adam puis jette un regard inquiet sur moi. Les garçons quittent les lieux rapidement alors que je les fusille du regard. Je pense qu'Adam a agit volontairement afin de me permettre de communiquer avec Colin. Il est clair que nous devons nous entendre si nous voulons communier ensembles, cela va sans dire. Et comme la communication et Colin ne font pas bon ménage, je vais sûrement avoir quelques difficultés.
Pour l'instant, l'ambiance est assez frileuse entre lui et moi. Nous n'échangeons pas.
Colin termine de ranger minutieusement son matériel puis porte mon synthétiseur ainsi que le reste du matériel dans le coffre de sa voiture.
La minutie dont il fait preuve me fait sourire. C'est, à coup sûr, une manière bien à lui de se détendre. Ce n'est pas la mienne.

Assise dans sa voiture, je ne peux m'empêcher de me ronger les ongles. Alertée par la vue du sang, j'en arrête la progression à moins d'avoir les phalanges rongées jusqu'à l'os. Je dois cesser cette attitude sous peine de me faire passer pour une psychopathe.
En entrant dans sa voiture, je me rends compte qu'il est aussi tendu que moi.
Tout le long le trajet est silencieux, seule la radio diffuse une musique de Pink Floyd et parvient à redonner un peu de vie à l'habitacle. Il tapote enfin en rythme sur le volant de sa voiture et je considère que c'est une bonne nouvelle. Il semble se détendre et peut-être m'adressera-t-il la parole ?
Je regarde les bâtiments défiler et je tente de me détendre à mon tour. Je dérobe les phalanges de mes pouces entre mes poings, honteuse du résultat. Le stress prend tellement possession de mon âme que je n'arrive pas à me contrôler.
Il pousse enfin un long soupir qui me force à tourner la tête vers lui. Un moyen d'attirer mon attention.
Son regard aux couleurs de l'eau se pose sur moi m'entourant d'une telle intensité que j'aurais peine à l'oublier. Il pose ensuite son regard sur la route sinon nous finissons en bas avec les marguerites. Ce qui serait dommage.
Sa voix grave dont le son ne m'est pas familier pour le peu de fois où je l'ai entendue, me dit enfin.

_ j'apprécie que tu sois là.

Je me rends compte à cet instant combien ces paroles ont dû lui coûter d'effort. Je le considère d'abord avec étonnement puis avec compassion. Je souris lorsqu'il tourne enfin la tête vers moi comme pour contrôler ma réaction. Un rictus s'affiche aux coins de ses lèvres.

_ c'est pas grand chose.
_ au contraire, c'est beaucoup, dit-il en resserrant ses doigts autour du volant,

L'expression de son visage devient plus sérieuse et il prend une nouvelle inspiration. Cette fois-ci, il va me parler du déroulement du concert.

_ rappelles-toi quand tu dois commencer, et n'oublies pas d'enchaîner sur le 3 eme morceau . Après mon deuxième couplet, te trompe pas . C'est pas un do mineur .

Je suis toute ouïe, un petit sourire de satisfaction vient naître sur mes lèvres, tandis qu'il me répète encore et encore ce que je sais déjà. Il tourne la tête, se sentant épié, et lorsqu'il perçoit mon sourire, il affiche à son tour un petit rictus au coin des lèvres tout en ramenant le regard vers la route.
Arrivés au feu rouge, il tourne alors la tête et me fait un vrai sourire. Celui que je vois naître sur ses lèvres lorsqu'il plaisante avec Adam ou Matt. Celui que j'aime voir mais qui n'est pas coutume. La communication est enfin enclenchée.

_ Je sais bien que tu le sais . Mais je veux être sûr que tu le sais vraiment bien !
_ oui . Rassure-toi, je le sais . La seule chose que j'aimerais c'est que l'on parvienne à discuter comme des gens .... normaux, dis-je

Intéressé par mes dires, il tourne la tête vers moi et affiche un petit rictus moqueur.

_ ah bon ? Tu voudrais que nous ...discutions ...., dit-il avec un sourire en coin.
_ Je sais que c'est assez compliqué pour toi mais ce serait juste ... intéressant si on y parvenait au lieu de communiquer comme des sauvages, par des claquements de doigts, des hochements de tête ou des mouvements de menton.