Chauve-souris

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Lorsque les Gryffondor entrèrent dans les cachots, ils comprirent tout de suite que le cours de potions allait être particulièrement pénible, bien plus que d'habitude.

Il était évident que le maître des potions était d'une humeur massacrante. C'était même au delà de ça : personne n'avait jamais vu Severus Rogue dans un tel état de rage.

Harry suivit le mouvement de ses camarades et entra silencieusement, sans un mot, laissant Hermione et Ron murmurer entre eux. Les sourcils froncés, il observait son professeur, essayant de comprendre pour quelle raison il semblait aussi en colère.

Cependant, même s'il continuait à réfléchir à cette énigme, Harry dut cesser de fixer l'homme pour se concentrer sur son chaudron, de crainte d'écoper d'une retenue. Ce n'était définitivement pas le moment de perdre le peu de temps libre qu'il avait.

Severus Rogue était déchaîné pour ce premier cours avec les Gryffondor après la sortie désastreuse à Pré-au-Lard : les points des Gryffondor étaient retirés à la vitesse de l'éclair, et les remarques sarcastiques et blessantes fusaient, toujours à destination des rouge et or.

Lorsque Ron fut repris pour la seconde fois alors qu'il demandait de l'aide à Hermione, Harry ne put s'empêcher de sourire en entendant le rouquin pester contre la chauve-souris aigrie qui leur servait de professeur.

Il reprit bien vite son sérieux sous le regard noir de l'homme, et se força à se concentrer et à s'appliquer. Il ne voulait pas attirer l'attention sur lui, aussi il avait décidé de faire profil bas. C'était encore ce qui marchait le mieux avec Severus Rogue, d'autant plus quand il était aussi furieux...

*

En entrant dans sa salle de classe d'un pas conquérant comme à son habitude, Severus se doutait que les choses allaient être pénibles avec ces élèves en particulier.

En temps normal, il détestait enseigner à la classe de Potter. Le mélange du visage de James et des yeux de Lili le déstabilisait toujours, et il ne pouvait s'empêcher de haïr le gamin pour de mauvaises raisons. Il en était parfaitement conscient, mais c'était plus fort que lui.

Cerise sur le gâteau, Albus avait pris soin de mélanger Gryffondor et Serpentard ce qui faisait de cette classe la plus délicate à contrôler. La haine inter-maison se déchaînait, cristallisée par l'opposition Potter - Malefoy. Et il se retrouvait souvent à arbitrer des bagarres idiotes d'adolescents.

En temps normal, Severus aurait alors outrageusement avantagé les Serpentard tout en retirant des points au moindre prétexte aux Gryffondor. Les bons jours, il arrivait même à coller Potter en retenue, persuadé que l'humilier atténuerait les souvenirs cuisants qu'il avait de son père et de son parrain.

Mais la normalité avait volé en éclats.

Tout avait changé avec cette fichue sortie à Pré-au-Lard.

Il avait été le premier surpris de constater que Potter ne semblait pas décidé à accompagner ses camarades. Lui-même ne s'était pas méfié, et avait accepté à contrecœur de jouer les chaperons.

Il ne pouvait pas prévoir que Voldemort ordonnerait un raid précisément ce jour là, espérant surprendre Harry Potter et mettre fin à la guerre à sa façon.

L'attaque s'étant décidé à la dernière seconde, il n'avait pas été mis au courant. Et finalement, la journée s'était soldée par un désastre...

Voldemort était furieux que le jeune Potter lui ait de nouveau glissé entre les doigts, et les Malefoy avaient perdu un fils.

Lorsque Severus avait constaté que Drago ne rentrait pas de Pré-au-Lard - alors qu'il l'avait croisé sur place, flânant seul - un frisson glacial avait parcouru son échine. Il avait eu un mauvais pressentiment, avec dans l'idée qu'une catastrophe imminente se préparait.

Il avait fait partie des volontaires fouillant les environs pour le retrouver. Mais au fil des heures, le désespoir l'avait gagné en découvrant que son filleul était introuvable.

La mort dans l'âme, il s'était rendu dans le bureau de Dumbledore pour lui avouer ce qu'il avait fait avant la rentrée.

Il révéla que Drago avait été appelé à prendre la marque, mais qu'en premier lieu, il devait prouver sa loyauté et sa valeur. Voldemort lui avait imposé une mission en échange de la vie de sa famille. Avec Lucius à Azkaban, Narcissa et Drago se retrouvaient vulnérables...

Effarée de ce qui était exigée de son fils unique et adoré, Narcissa l'avait supplié de l'aider. En temps que parrain, elle lui avait demandé de veiller sur son fils, au péril de sa propre vie, et Severus avait eu la faiblesse d'accepter.

Pire encore, il s'était laissé enchaîner par un serment inviolable : il devait s'assurer que Drago ne soit pas blessé sans quoi il y laisserait la vie.

Alors qu'il racontait cet épisode à Dumbledore, Severus ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi il avait survécu alors qu'il avait visiblement échoué. Le serment inviolable avait été brisé puisque Drago avait visiblement été tué...

Dumbledore avait soupiré, et l'avait observé, pensif. Puis il avait haussé les épaules.

- Ce qui est fait est fait, Severus. Je suppose que nous ne pouvons qu'attendre et voir ce qui va se passer. Peut être que vous n'auriez rien pu faire pour le jeune Malefoy, et que c'est pour ça que vous avez survécu au serment inviolable.

Severus avait pincé les lèvres, dubitatif. Et il avait repris le cours de sa vie.

Et voilà qu'il était à donner le cours qu'il avait redouté. Il nota les yeux rougis de la jeune Parkinson, les yeux perdus de Zabini et de Nott. Crabbe et Goyle semblaient dans leur monde, les yeux fixés sur la place qu'avait occupé Drago jusqu'à ce jour.

Du côté des Gryffondor, personne ne semblait se soucier de l'absence de Malefoy et Severus leur en voulut pour ça. C'était même ce qui avait décuplé sa colère. Cependant, il se figea brusquement en notant les cernes de Potter et son air absent.

Severus avait toujours été un espion doué. Et s'il avait survécu aussi longtemps en vivant une double vie, c'était parce qu'il avait appris à faire confiance à son instinct et à écouter ses pressentiments.

Or, en voyant Potter qui restait les yeux dans le vague devant son chaudron, il eut un pressentiment qui lui hurlait qu'il y avait quelque chose d'anormal.

Il ignorait ce qui se passait, il ignorait pourquoi la réaction de l'élève qu'il détestait le plus était importante, mais il se jura qu'il découvrirait le fin mot de l'histoire.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant