Pourquoi es-tu triste ?

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Si Harry avait bu bénéficier d'un répit grâce à Luna et apaiser un peu sa culpabilité, l'accalmie ne dura pas. Lorsqu'il se rendit dans la chambre des secrets, Drago ne mit pas longtemps avant de se rendre compte de sa morosité.

Le blond l'observa quelques instants, laissant Harry s'installer et faire comme si tout allait bien en réfléchissant. Puis, alors que le Gryffondor lui résumait le dernier cours de métamorphose, il l'interrompit brusquement.

- Potter. Pourquoi es-tu triste ?

Pris de court, Harry sursauta violemment et écarquilla les yeux avant de bégayer une platitude que Drago écarta d'un geste de la main. Le survivant soupira et marmonna d'un air boudeur.

- Qu'est ce qui te fais penser que je suis triste ?

- Peut être que je te connais depuis le temps qu'on s'observe tous les deux. Et que je vois quand tu ne vas pas bien.

Harry eut un geste agacé de la main.

- C'est rien. Disons que je suis fatigué.

- Ce n'est pas aussi simple, n'est-ce-pas Potter ?

Le jeune homme grogna, refusant de répondre. Drago soupira et se pencha vers lui, le fixant de son regard orage.

- Pourquoi tu refuses d'en parler ? Tu as peur que j'en parle à mes nombreux amis qui viennent me voir ?

Le Gryffondor s'écarta comme s'il avait été frappé, et une vague de culpabilité déferla sur lui. La culpabilité fut aussitôt remplacée par de la colère, cette colère que seul Malefoy semblait être en mesure de déclencher chez lui.

- Quoi Malefoy ? Tu veux savoir quoi ? Que je ne dors plus parce que Voldemort me montre des scènes de carnages ? Que j'ai peur de m'endormir et de le voir tuer des gens que j'aime ?

Drago hoqueta et blêmit. Il détailla Harry qui s'était redressé, les poings serrés, des larmes pleins les yeux. Son camarade était au bord du gouffre visiblement, prêt à craquer.

Il agrippa son poignet et la question qu'il posa ne fut qu'un chuchotement.

- Qui est au courant de tout ça, Potter ?

Il se moquait de ce que ça pouvait paraître, mais il avait un soudain doute. Il craignait que Harry Potter ne soit décidé à endosser seul tous les tourments du monde sorcier et qu'il n'ait parlé à personne de ce qu'il subissait.

Harry ne chercha même pas à dégager son bras. Il cessa de lutter, comme s'il avait conscience que c'était inutile.

- Personne. Personne ne doit savoir.

Le Serpentard jura.

- Foutu Gryffondor ! Stupide et borné !

L'œil rond, Harry le dévisagea, ne comprenant visiblement pas l'agacement du blond. Le regard de Drago avait pris l'aspect du mercure liquide sous la colère, ne quittant pas les yeux émeraude.

- Tu as besoin d'aide, abruti ! Tu penses que tu vas tenir combien de temps sans dormir ?

Harry haussa les épaules.

- Ce n'est pas la première fois.

- Je croyais que tu avais des amis, Potter ? C'est le moment de les mettre à contribution non ?

- Je...

Drago se figea et ouvrit la bouche avant de la refermer brusquement. Il plissa les yeux et dévisagea Harry avant de jurer de nouveau.

- Tu ne t'es pas réconcilié avec la Belette et Miss-je-sais-tout, n'est-ce-pas ?

Harry se libéra de la poigne de Drago et s'écarta de quelques pas, reprenant son souffle, qu'il n'avait pas conscience d'avoir retenu. Le blond ne lui laissa cependant pas le temps de se reprendre avant d'attaquer de nouveau.

- Potter. Tu dois en parler à quelqu'un ! Tu vas devenir dingue sinon !

Harry s'apprêtait à protester - ou à promettre n'importe quoi au Serpentard pourvu qu'ils puissent changer de conversation - quand un silhouette sombre sortit des ombres.

- Je ne peux qu'appuyer l'avis de Monsieur Malefoy.

Severus retint à grand peine un sourire en voyant l'air effaré des deux adolescents. Cependant, il nota leurs réactions, qu'il trouva particulièrement instructives. Harry Potter s'était placé devant Malefoy comme pour le protéger de son corps, ou le dissimuler.

Quand à Drago, il avait agrippé le bras de Potter, et Severus voyait clairement que ce n'était pas dans le but de lui nuire.

Il se serait attendu à ce que son filleul soit heureux de le voir débarquer - surtout qu'il n'avait pas eu d'autres visites que le Gryffondor qu'il était sensé haïr plus que tout. Il ne pensait clairement pas le voir paniquer.

- Professeur ?

Le ton inquiet de Potter le sortit de ses observations et il eut un rictus amusé.

- Monsieur Potter. Je venais voir si tout allait bien par ici. J'ai surpris votre conversation que j'ai trouvé particulièrement intéressante...

- Ce n'est rien, Monsieur.

- Laissez moi en juger, jeune homme. Vous allez tout me raconter.

Les deux adolescents échangèrent un regard, et Severus se mordit presque la langue pour ne pas ricaner. Ils étaient attendrissants tous les deux, à communiquer sans dire un mot, à se protéger l'un l'autre. S'il n'avait pas été l'homme cynique et amer qu'il était devenu, il se serait peut être réjoui de voir qu'ils s'accordaient et qu'ils s'étaient mutuellement trouvés. Il n'était jamais bon d'être seul en temps de guerre. Sauf lorsqu'on était un espion...

Harry grogna et haussa les épaules, visiblement agacé.

- Je fais beaucoup de cauchemars. Ma cicatrice me fait souffrir. Je... C'est comme lorsque j'ai vu Sirius au département des Mystères. Des visions.

- Des visions de quoi ?

Severus choisit de ne pas s'attarder sur le sujet du chien galeux - le gamin était susceptible à propos de la mort de son parrain - pour se concentrer sur le nœud sur problème : les insomnies de Potter.

- Mort, destruction. Tortures. Je suppose qu'il s'agit des raids qu'il mène et que la Gazette relate.

- Vous supposez, Monsieur Potter ?

- J'ai reconnu certains lieux sur les photos de la Gazette.

Le Maître des potions pinça les lèvres, détestant cette situation. Il ne pouvait que compatir à la situation du gamin face à lui, tout Gryffondor insupportable qu'il fut. Il savait à quel point les divertissements de Voldemort étaient terribles et il ne souhaitait à personne d'être forcé d'y assister. Il pensa brièvement que Potter était résistant pour ne pas encore avoir sombré dans la folie, avant de croiser le regard soucieux de Drago.

Avec un reniflement agacé, il secoua la tête.

- Vous passerez tous les soirs après le repas dans mon bureau où je vous remettrais une dose de potion de sommeil sans rêves. Et j'ai bien peur de devoir vous inciter à reprendre les cours d'occlumentie, aussi désagréable que l'expérience ait pu être.

Si l'heure n'était pas aussi grave, Severus aurait éclaté de rire en voyant l'air déconfit de Harry Potter.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant