Boue

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Lorsque les hiboux commencèrent à distribuer la Gazette du sorcier ce matin là, un grand silence envahit la Grande salle à mesure que les élèves prenaient connaissance de la une.

Avec un grognement agacé, Severus se saisit d'un exemplaire et l'ouvrit, avant de presque recracher la gorgée de thé qu'il venait de prendre.

Rita Skeeter une fois de plus avait l'art du titre racoleur. Les Mangemorts avaient décimé un petit village moldu, ne laissant aucuns survivants. Pas même les enfants.

Comme souvent, la pseudo journaliste cherchait des responsables à pointer du doigt. Et comme il était bien trop dangereux de s'en prendre directement à la cause même des massacres sous peine de voir la marque des Ténèbres flotter au dessus de sa propre maison, elle accusait Harry Potter.

"Que fait le pseudo héros du monde sorcier ? Harry Potter se terre à Poudlard !"

Le titre barrait la première page, hurlant ces mots à la face du lecteur. Severus, horrifié, leva les yeux sur la salle et vit les élèves fixer la table des Gryffondor. Tous semblaient attendre la réaction du Sauveur, qui pour l'heure mangeait doucement, les yeux rivés sur son assiette.

Longdubas poussa le journal devant son camarade avec un regard d'excuse, et Potter s'en empara d'une main hésitante. Severus nota qu'il tremblait légèrement en dépliant les pages imprimées, et il jura tout bas, maudissant Skeeter.

Potter resta un long moment dissimulé derrière les pages du journal, puis il le replia tranquillement, le visage impassible.

En apparence tout du moins. Severus se rendit compte qu'il avait les yeux aussi expressifs que ceux de sa mère, et qu'ils étaient pour l'heure emplis de détresse.

Avant que qui que ce soit ne songe à faire le moindre geste, Harry Potter avait repoussé son assiette doucement, s'était levé et avait quitté la grande salle sans un mot.

A peine les portes refermées derrière lui, la Grande salle explosa en un concert de commentaires.

Severus croisa le regard de Dumbledore. Le vieil homme semblait mécontent de la situation, cependant, il ne fit pas un geste envers le jeune homme qui venait de quitter la pièce. Minerva avait les lèvres tellement pincées qu'elles ne formaient qu'une mince ligne sur son visage, et elle détaillait chaque tablée, semblant mettre les élèves au défi de dire le moindre mot face à elle.

Le professeur de potions soupira et se leva, avant de disparaître par l'accès des professeurs. Il savait où était parti Potter, et il comptait bien lui laisser un peu de temps avec Drago avant d'essayer de lui parler. Il avait l'impression que le monde était à l'envers puisqu'il se retrouvait à vouloir rassurer le fils de James Potter... Mais personne ne devrait être traîné dans la boue de cette façon.

*

Lorsque Harry s'était installé dans la Grande Salle, ce matin là, il était à peine réveillé. Les cauchemars l'avaient encore tenu éveillé et il s'était dit que finalement aller voir son terrible professeur de potions serait peut être une bonne chose. Il attendait presque avec impatience de pouvoir tester sa potion de sommeil sans rêves, en espérant que ça tiendrait Voldemort à distance.

Il s'était servi mais n'avait pas vraiment faim, et il remuait la nourriture dans son assiette plus qu'il ne mangeait.

Le ballet des hiboux ne réussit pas à le distraire et il leva à peine la tête. Depuis la mort de Sirius, plus personne ne lui envoyait de courrier.

Il ne réagit même pas au silence qui envahit la Grande Salle, trop perdu dans ses pensées.

Il sentit un mouvement à ses côtés, et il se rendit compte que Neville poussait la Gazette vers lui, avec un sourire navré. Il hésita, puis soupira et se saisit du journal. Il se doutait bien qu'il serait la cible de cette journaliste de l'enfer, et il avait un peu peur de ce qu'elle pouvait avoir encore inventé à son sujet.

Le titre lui hurla au visage, et il se figea, les yeux dans le vague.

Il n'avait pas été physiquement sur place, mais Voldemort lui avait montré ce qu'il avait fait, et il revivait les évènements dans son esprit, au bord de la nausée.

Il avait envie de hurler à l'injustice, de hurler qu'il était encore un enfant, qu'il était démuni face à tout ça. Il n'avait rien demandé, il ne voulait pas être celui qui devrait tuer Voldemort. Il était fatigué de la guerre et du danger qui le suivaient depuis qu'il était arrivé à Poudlard...

Il savait que toute la Grande salle avait les yeux fixés sur lui. Il le sentait. Aussi, il soupira et essaya d'afficher une expression la plus neutre possible. Puis, il posa doucement le journal à ses côtés, repoussa son assiette, l'appétit définitivement coupé et se leva.

D'un pas calme - bien loin de son agitation intérieure - il quitta la Grande Salle, sachant qu'il serait à peine parti que tout le monde commenterait ce qui venait de se passer.

A peine les lourdes portes refermées derrière lui, il partit en courant, les yeux brouillés de larmes. Il hésita un bref instant, puis il prit la direction de la chambre des secrets. Il avait besoin de voir quelqu'un qui le traiterait normalement. Qui ne le regarderait pas avec pitié, qui n'attendrait pas de lui l'impossible.

Lorsqu'il arriva face à Drago, il s'était repris. Suffisamment pour donner le change. Drago leva un sourcil surpris.

- Potter ?

Harry haussa les épaules.

- L'atmosphère de la Grande Salle était un peu... pénible.

Le Serpentard ricana, et secoua la tête.

- Qu'est-ce que ces imbéciles ont encore inventé ?

- A une époque c'était moi l'imbécile.

- A une époque je ne savais pas que je te devrais la vie.

Ils restèrent quelques instants les yeux dans les yeux, ne voulant céder ni l'un ni l'autre, puis Harry haussa les épaules et détourna les yeux.

- Skeeter m'a offert un magnifique article pour me reprocher de me cacher à Poudlard.

Drago retroussa le nez en une moue de dégoût et eut un geste de la main.

- Si tu commences à l'écouter... Il est possible de lui faire publier n'importe quoi du moment que ça puisse faire de l'audience. Ignore tout ça, ça sera pour le mieux.

Pour montrer l'importance qu'il accordait à Skeeter, Drago changea de sujet pour interroger Harry au sujet du prochain match de Quidditch.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant