Culte

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Après son affrontement avec Drago, Harry était de particulièrement mauvaise humeur. Ce n'était pas contre le Serpentard - après tout, il aurait probablement réagi de la même manière si son ennemi d'école l'avait enfermé quelque part.

Il se sentait juste frustré de ne pas réussir à faire comprendre à l'insupportable blond qu'il était sincère et qu'il ne lui voulait pas de mal.

Il y avait aussi l'insistance de ses amis à tenter de savoir ce qu'il faisait de son temps libre. Il avait jusqu'à présent réussi à les écarter sans pour autant se disputer trop violemment avec eux, mais il se doutait qu'à un moment donné il risquait d'en arriver à se brouiller avec Ron et Hermione.

Il savait que Ron pouvait se montrer obtus et Hermione avait ce petit côté directif parfois insupportable. Son silence était clairement ce qui allait déclencher les hostilités. Pour autant, il n'était pas prêt à risquer la vie de Malefoy pour préserver leur amitié.

Harry aurait aimé se terrer lui aussi dans les profondeurs de Poudlard pour ne plus avoir à assister aux cours et à être la cible des regards. Il était las d'être au centre de l'attention, il était las de voir que beaucoup vouaient un culte au Sauveur sans même chercher à savoir qui il était réellement, lui, Harry.

Il était enchaîné par ses obligations, parce qu'on lui avait mis dans la tête depuis son arrivée dans le monde magique qu'il était le seul à pouvoir mettre fin à la guerre, à cause de cette fichue prophétie. Il ne pourrait pas se regarder dans un miroir s'il en venait à disparaître et que des gens mourraient. Il avait déjà beaucoup de mal à se pardonner chacune des attaques de Voldemort, se disant que s'il était plus fort, il aurait déjà pu l'arrêter.

Avec un soupir épuisé, il se rendit en cours, traînant les pieds. S'il n'avait tenu qu'à lui, il aurait séché sans états d'âmes. Mais il ne voulait pas se faire plus remarquer que nécessaire : il ne pouvait pas se permettre d'être plus surveillé qu'il ne l'était actuellement. Et Dumbledore ne laisserait probablement pas passer une absence aux cours.

Il aurait apprécié n'importe quel autre cours que celui-ci. Même potions aurait été un meilleur choix.

Au lieu de quoi, il était obligé d'assister au cours de divination dispensé par Trewlaney. Il allait encore subir les regards pleins de pitié de la vieille folle à moitié aveugle, qui allait lui prédire mille et une façons de mourir. De préférence de façon violente, de préférence dans un futur extrêmement proche.

A certains moments, Harry préférait en rire, et il admettait que leur excentrique professeure était pleine d'imagination. Depuis qu'il était arrivé à Poudlard, il était mort de tellement de façons différentes qu'il en avait perdu le compte.

Jamais deux fois de la même manière. Bien entendu.

Ça en devenait presque une activité à temps plein que de prédire les circonstances tragiques de son avenir.

Il grimpa dans la salle de classe, jetant un regard noir à leur professeur entourée de ses voiles habituels, qui semblait perdue dans son monde. Il plissa le nez en entrant dans l'atmosphère lourde et enfumée de la pièce, pestant contre l'encens qui semblait embrumer en permanence la salle de Divination.

Il se laissa tomber sur les coussins près de Ron sans un mot. Son ami le dévisagea un instant et détourna le regard.

Harry eut un pincement au cœur, mais n'essaya pas d'engager la conversation avec lui. Il s'obligea à focaliser son attention sur Trewlanney, comme si c'était le cours le plus intéressant qu'il ait eu depuis longtemps.

Il entendit le soupir lourd de Ron, mais ne préféra pas lui porter attention. Il ne voulait pas entamer une dispute avec son camarade, et il connaissait parfaitement le rouquin. Suffisamment pour savoir que le jeune homme lui demanderait d'emblée où il disparaissait dès qu'il était seul. Suffisamment pour savoir qu'il provoquerait une dispute inévitable en refusant de répondre.

D'un ton tragique, Trewlanney commença son cours, annonçant qu'ils allaient lire l'avenir dans des boules de cristal. Harry se crispa, s'attendant au pire.

La femme entourée de ses voiles passa entre les petites tables pour distribuer les globes translucides, s'attardant quelques instants à la table de Lavande pour lui dire quelques mots.

Face à Harry, elle soupira tristement et posa la boule devant lui avec délicatesse. Elle lui jeta un regard embué de larmes avant de faire demi-tour.

Harry grogna et posa sa tête entre ses bras croisés, décidé à ne rien faire du cours. Si Trewlanney le mettait dehors, il en serait positivement ravi...

Il sursauta en sentant une présence au dessus de lui, et il releva la tête pour se trouver nez à nez avec son professeur. Elle le fixait de ses yeux globuleux et Harry soupira, mais avant qu'il n'ait le temps d'approcher la boule de cristal de lui pour inventer n'importe quoi, la femme murmura d'un ton tragique.

- Mon pauvre enfant... Vous êtes maudit... J'ai vu dans la boule un grand malheur à venir. Une mort sanglante, au terme d'un combat perdu d'avance...

Toute la classe était silencieuse, suspendue aux lèvres de leur professeur, curieux d'apprendre ce qu'elle avait inventé au sujet de Harry.

Harry lui s'était crispé, et si habituellement il réussissait à ne pas faire attention aux prédictions sinistres de la femme, cette fois, il eut l'impression de bouillir de l'intérieur.

Peut être était-ce parce que son face à face avec Voldemort se rapprochait à grands pas. Peut être était-ce à cause du raid qui avait eu lieu à Pré-au-Lard et qui aurait pu décimer les rangs de ses camarades.

Toujours est-il que quand Sibylle Trewlanney ouvrit la bouche pour détailler les circonstances tragiques de la mort du pauvre Harry Potter, ce dernier explosa de colère.

- Ça suffit ! J'en ai assez de vos prédictions stupides ! Je me demande encore comment vous avez pu devenir professeur ici compte tenu de votre incompétence !

Toute la classe s'était figée et fixait Harry, bouche bée. Jamais encore leur camarade n'avait élevé la voix de cette façon - même en cours de potions où pourtant Severus Rogue était en permanence injuste. Jamais il n'avait parlé de cette façon à un professeur.

Dans un silence de mort, Harry se leva et poussa brusquement la boule de cristal - que Ron rattrapa d'un geste machinal - puis quitta la salle de classe sans un regard en arrière, visiblement furieux.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant