Sans-abri

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En ouvrant les yeux, Harry se sentit légèrement perdu quelques instants. Il était au sol, ses doigts étaient crispés sur sa baguette. Il se sentait lourd, n'arrivant pas à bouger.

Il se demanda un instant ce qu'il faisait là, dehors, à regarder le ciel un peu gris, au lieu d'être dans son dortoir. Il cligna des yeux paresseusement, incapable de se mouvoir.

Les cris autour de lui le ramenèrent au présent, et il se souvint de ce qui venait de se passer. Son face à face avec Voldemort. Les Malefoy qui avaient détruit Nagini. Le sort de mort. Sa mère, sa magnifique mère qui était venu à lui l'encourager et lui dire que l'horcruxe n'était plus. Qu'il n'avait pas terminé ce qu'il devait accomplir.

Et elle l'avait renvoyé.

Il aurait aimé resté près d'elle, voir son père aussi, sans oublier Sirius. Sa famille qu'il brûlait de connaître.

Il gémit doucement, mais le son fut perdu, couverts par les cris moqueurs des Mangemorts destinés aux professeurs de Poudlard. Il avait mal partout, maintenant qu'il avait de nouveau conscience de son corps, et il avait envie plus que tout de fermer les yeux et de se laisser aller à une inconscience bienvenue. Il se sentait détaché de la réalité, épuisé, comme si plus rien n'avait d'importance. Ni Voldemort qui se réjouissait, ni les conséquences que pourraient avoir la prise de Poudlard par les Mangemorts.

Pourtant, au milieu de toute sa souffrance et de son esprit embrouillé, il pensa clairement à Drago Malefoy. L'insupportable blondinet qu'il appréciait plus que de raison, à qui il avait promis de revenir, pour lui. Il s'était juré d'avoir le dessus pour qu'il soit libre. A cet instant, rien d'autre ne comptait. Ce fut la pensée de ce que risquait Drago qui l'obligea à mobiliser ses forces pour bouger.

Sa main d'abord, qui se crispa sur le sol, presque malgré lui. Puis il déplia doucement ses doigts, testant sa mobilité. Il tourna la tête ensuite, doucement, discrètement. Il avait besoin de voir ce qui se passait autour de lui, pour décider comment agir.

Personne ne prêtait attention à lui. Après tout... le Survivant était mort, non ?

Sans quitter Voldemort des yeux, il se redressa péniblement, le visage déformé par une grimace de douleur. Mais il était déterminé.

Quelques battements de cœur plus tard, il était debout. Un peu vacillant mais ses yeux verts brûlaient d'assurance. Il avait une mission à accomplir, il avait une promesse à honorer. Il croisa le regard surpris de Narcissa Malefoy et le soulagement sur les traits de l'aristocrate lui donna envie de rire de joie.

Il leva sa baguette, satisfait de voir qu'il ne tremblait pas, et reporta toute son attention sur Voldemort. D'une voix forte, il l'interpella.

- Tom !

Le mage noir sursauta et se tourna vers lui, visiblement sous le choc de le découvrir en vie. Il savoura l'éclat de peur qui passa dans le regard carmin, tout autant que le mouvement de recul du sorcier. Ainsi le monstre qui terrorisait tout le monde, qui avait mis à genoux le monde sorcier, le craignait, lui, Harry Potter...

Il se demandait probablement comment un gamin insignifiant avait pu survivre à deux sortilèges mortels. Comment il pouvait une fois de plus se dresser devant lui, drapé de toute la fierté des Gryffondor.

Avant que Voldemort n'ait le temps d'esquisser le moindre mouvement, Harry avait levé sa baguette.

- Avada Kedavra.

Le rayon vert fusa de sa baguette, aveuglant. Il percuta Voldemort de plein fouet, l'envoyant au sol. Les yeux grands ouverts, une expression de surprise presque comique sur son visage reptilien, le monstre n'était plus.

Il avait déclenché une guerre au sein du monde sorcier. Il avait torturé, tué, terrorisé pendant des années.

Pourtant, c'était un adolescent qui l'avait mis à terre.

Autour d'eux, le silence s'était fait. Les Mangemorts regardaient le corps de leur Maître, incrédules, attendant qu'il ne se relève. Ils étaient certains qu'il ne pouvait pas avoir perdu, qu'il ne pouvait pas avoir été tué aussi facilement par un gamin. Les professeurs fixaient Harry, surpris de le voir en vie, surpris qu'il ait réussi l'impossible en les libérant du règne de terreur du Lord.

Pour sa part, Harry fixait le corps devant lui, l'esprit vide. Il ne parvenait pas à croire que tout était terminé, qu'il était enfin libre. Plus personne pour le pourchasser, pour vouloir le tuer. Plus de cauchemars emplis de sang, de violence et de tortures.

Il allait avoir une vie normale, même s'il se demandait ce que pouvait être une vie normale.

Stupidement, il pensa qu'il était désormais sans-abri : maintenant qu'il n'était plus poursuivi par un mage noir mégalomane et psychopathe, son oncle et sa tante ne voudraient plus de lui. Ils lui avaient fait sentir qu'il était un fardeau depuis qu'il vivait chez eux, et Harry se dit qu'ils devaient avoir hâte de se débarrasser de lui.

Cette pensée ne l'émut pas vraiment. Il n'avait pas vraiment de lien affectif avec sa famille maternelle. Ils étaient peut être ses tuteurs, mais il ne regretterait pas leur présence. Une page de sa vie se tournait, visiblement.

Harry chancela en prenant conscience qu'il venait de le tuer, posément, de sang froid. Il n'avait pas hésité.

Contrairement à ce que lui avait dit Bellatrix Lestrange le jour où Sirius était mort, il n'avait pas eu besoin de rassembler toute sa haine pour lancer le sort mortel. Il s'était juste focalisé sur une pensée : Voldemort devait mourir pour que Drago soit libre.

Le Gryffondor regarda autour de lui, consterné de voir ses professeurs rire et se réjouir. Il croisa le regard de Severus Rogue, qui était aussi impassible qu'à son habitude. L'homme lui adressa un signe de tête, comme pour le réconforter.

Du côté des Mangemorts, l'heure était à la panique. Ils semblaient ne pas savoir comment se comporter, et certains avaient commencé à fuir alors que les Aurors du Ministère arrivaient peu à peu, lançant des stupéfix et des incarcerem à tout va.

Les Malefoy n'avaient pas bougé. Ils étaient resté à leur place, immobiles, se tenant la main, le regard fixé sur le corps de Voldemort. En bons Serpentard, leurs expressions étaient impassibles, masquant ce qu'ils pensaient de la situation.

Obsession irrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant