Chapitre 2

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Partout sous les voûtes aériennes de l'immense chapiteau les rires et la musique retentissaient. Toute la famille Weasley réunie ainsi que leurs invités, plus ou moins proches, profitaient de cette soirée magique et riche d'émotions. Tous, sauf trois personnes, chacune enfermée dans ses pensées, en oubliant presque le bonheur qui jaillissaient autour d'eux.

Ginny était presque heureuse de voir les gens qu'elle aimait s'amuser autant après la gravité des évènements passés. Presque. L'échange des vœux de Bill et Fleur lui avait fait oublier ses malheureux soucis mais, maintenant, elle culpabilisait. Seule et tête baissée, elle se demandait comment elle avait pu penser qu'un quelconque danger pourrait survenir, alors que sa famille resplendissait de bonheur ! 

Pendant que la jeune sorcière, assise dans un coin, ruminait ces tristes pensées, Ron et Hermione échangeaient des regards inquiets sur la piste de danse. Ces deux-là n'arrêtaient pas d'observer la mine sombre de Harry. Il était également assis seul, au bout d'une table, et admirait discrètement Ginny avec regret. Le jeune homme était tellement malheureux que le sort qui changeait son apparence oscillait dangereusement entre son véritable visage et celui pâteux du cousin Barny. On distinguait dans son regard la peine qu'il ressentait à l'idée de na pas pouvoir l'approcher, comme un perpétuel combat contre lui-même. Mais la part rationnelle et protectrice, consciente des dangers qui le menaçait, l'emportait toujours sur son envie et son amour pour la rousse. C'était d'ailleurs par amour qu'il préférait se sacrifier, rassuré à l'idée qu'elle serait saine et sauve à Poudlard pendant que lui partirait en quête des Horcruxes. Moins la jeune fille en savait, plus Harry était déchiré entre la culpabilité et le soulagement.

Ron, quant à lui, était partagé entre deux sentiments : la joie puisque rien que l'idée de savoir son meilleur ami et sa propre sœur ensemble le dégoûtait franchement, mais aussi la tristesse de constater que deux personnes chères à son cœur étaient à présent submergées par des émotions si négatives, qu'ils ne pouvaient même pas profiter d'un moment si magique. En résumé, il était d'humeur maussade et, faute de concentration, écrasait sans arrêt les pieds de la pauvre Hermione qui en comprenait heureusement bien les raisons.

La soirée avançait tranquillement, sans aucun danger à l'horizon, mais plutôt une quantité grandissantes de personnes plus tout à fait claires d'esprit. On aurait presque pu croire que Ginny avait été  victime d'une hallucination. Elle ne savait plus quel était le rêve et quelle était la réalité. Mais le drame, ne décevant pas ses angoisses, arriva sous la forme brumeuse d'un Patronus argenté. L'entièreté des personnes présentes sous le chapiteau qui ne paraissait plus aussi grand se figea en voyant rebondir l'animal étincelant. La plupart en connaissait le propriétaire et il ne pouvait annoncer de bonnes nouvelles. A cet instant, la voix lente, forte et profonde appartenant à Kingsley retentit dans la salle silencieuse depuis l'arrivée du lynx et déclama :

- Le ministère est tombé. Scrimgeour est mort. Ils arrivent !

A l'entente de ces courtes paroles, la foule d'invités resta d'abord sous le choc pendant quelques secondes. Toutefois la panique se répandit bien assez tôt, comme une trainée de poudre. Chacun courait dans tous les sens, ne sachant réellement où aller tandis que des familles essayaient de se rassembler pour transplaner, puisque les protections autour du Terrier, mise en place par l'Ordre, avaient été brisées. C'était le désordre le plus complet. Ginny cherchait du regard ses parents, en vain, perdus dans la foule en folie. C'est là que dans l'horreur absolue apparurent de sombres silhouettes encapuchonnées, une fumée noire envahissant l'air et obscurcissant la vision de la jeune fille. Partout dans la cacophonie générale des sorts fusaient, assourdissant les sens de Ginny. Elle avait néanmoins tiré sa baguette, prête à en découdre avec le premier qui oserait l'approcher.

- Ginny, Ginny ! lui cria une voix affolée qu'elle ne connaissait que trop bien.

La sorcière se retourna prestement et vit Harry, ou plutôt le cousin Barny, qui la regardait avec désespoir, cherchant à la rejoindre par tous les moyens possibles. Mais leurs adversaires envahissaient de plus en plus l'espace autour d'eux, lançant leurs sorts maléfiques avec une précision effarantes, comme s'ils savaient exactement qui viser. Ginny voyait sa famille se débattre autour d'elle, combattant avec courage l'ennemi. Puis, comme dans un rêve, elle fit volte-face, sentant expressément dans son dos le danger arrivé. Elle le vit, le sort qui lui était destiné, zébrant l'air d'une couleur rouge écarlate, rouge sang. Sûrement un doloris, pensa-t-elle. Cependant ce qu'elle ne vit pas, c'est l'autre sort, qui la toucha précisément au même instant dans le dos. Ils se rencontrèrent, chacun arrivant de son propre côté, et se rejoignirent en elle avec un éclat de lumière. Son corps sursauta face à l'assaut et la force du choc, crispant chaque parcelle qui la composait, puis se relâchant complétement, abandonnant car terrassé par la force de ce double sort.

La jeune fille ne vit pas non plus sa mère se précipiter sur son pauvre corps étendu sur le sol, vide de tout mouvement et de vie. Elle ne vit pas la disparition subite de son grand frère, de sa meilleure amie et de Harry, qui, la voyant à terre, avait hurlé à s'en déchirer la gorge. Tout ce qu'elle voyait était un voile noir et oppressant qui tombait sur ses yeux ainsi qu'un silence assourdissant qui envahissait son esprit. Ginny se sentait lourde, tellement lourde. Elle avait l'impression de tomber en chute libre mais sans jamais s'arrêter.


Molly, toujours à terre, tenait sa fille dans ses bras, pleurant de rage et d'impuissance, et poussait des hurlements de désespoir si déchirants qu'ils auraient pu réveiller les morts. Sa seule fille, sa fierté, sa petite princesse était là, échouée dans ses bras, et commençait à disparaître. A DISPARAÎTRE ! Molly et Arthur, incrédules, assistaient à la surprenante évaporation du corps lasse de Ginny : ses mains et ses pieds avaient déjà complétement disparus. Ils n'étaient pas invisibles, ils étaient vraisemblablement partis, comme si ils n'avaient jamais existé. Lorsque des mangemorts les avaient relevés brusquement, le couple n'avait pas pu opposer la moindre résistance, trop hébété par le spectacle auquel ils avaient assisté. Ginny s'était envolée entièrement, sans laisser une seule trace de son passage. Uniquement des larmes coulaient sur leurs visages fermés par un deuil inimaginable.


Ginny n'arrivait pas à bouger ni à ouvrir les yeux, et seulement ses oreilles semblaient réellement fonctionner même si il n'y avait que le silence pour l'accueillir. Super, au moins quelque chose tourne rond chez moi, pensa-t-elle sarcastiquement. Puis la mémoire lui revint brusquement et tout devint clair dans son esprit assailli par les souvenirs. Des flashs de la soirée lui revenaient : les hurlements, les sorts et tout le reste remontaient dans sa tête. Le tout était d'une telle violence qu'elle ne savait même pas comment elle arrivait à en tirer quelque chose de compréhensible.

La jeune fille ne savait pas où elle se trouvait mais n'avait qu'une seule envie : vomir. Ginny n'avait jamais été émotive, puisqu'avec six frères elle s'était habituée au pire. Cependant cette fois-ci, s'en était trop pour qu'elle puisse le supporter, trop  de choses accumulées et intériorisés qui ne voulaient qu'une chose, sortir. Elle commença vraiment à vomir et sentit également ses larmes couler en même temps sur ses joues de porcelaine. La sorcière se sentait malade et n'arrivait pas à aligner la moindre pensée cohérente dans sa tête. Soudain une parmi des centaines se détacha des autres et prit forme dans son esprit : le seul endroit où elle souhaitait être plus que tout actuellement, était Poudlard. Mais le sommeil commençait à la gagner tout doucement alors qu'elle n'avait toujours pas pu ouvrir ni ses yeux ni sa bouche. Elle eut seulement le temps d'entendre une voix, cette voix, murmurer :

- Vous êtes en sécurité maintenant, jeune fille.

Ginny connaissait cette voix : elle lui rappelait un vieil homme avec une longue barbe blanche, des lunettes chaussées sur des yeux bleus pétillants ainsi que des paroles farfelues. Un nom apparut dans sa tête : Dumbledore. Après, ce fut le noir total.

Ginny EvansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant