Ginny Evans

Chapitre 11

Le magasin de Madame Guipure était tout simplement et complétement délirant.

Lorsque Ginny avait posé avec hésitation son premier pas à l'intérieur de la boutique, une vague de bonheur l'avait directement prise d'assaut. On ne pouvait certainement pas l'expliquer concrètement, il fallait la vivre pour décrire cette sensation exquise et aphrodisiaque.

Rien qu'en avançant un pied dans cette pièce infinie, on se retrouvait bouche-bé devant le génie artistique et magique de Madame Guipure. Partout se dressaient des vastes armoires et étagères, saturées de vêtements divers et variés, manquant de s'écrouler sur leur poids. Il embaumait dans l'air un parfum d'humilité mêlé à une gentillesse certaine : en bref, tout ce qui résumait la propriétaire. Le magasin, divisé en deux pièces, était large et spacieux, et il y régnait une propreté miraculeuse. Néanmoins ce n'était pas une atmosphère sobre et classique qui envahissait l'espace, mais plutôt une vision enchantée et colorée d'un monde parfois un peu terne. Ainsi, de grands tissus de soie, de velours ou autre étoffe précieuse, s'envolaient à travers la pièce principale, l'éclairant des couleurs les plus mirobolantes existantes. Chaque goût pouvait s'y retrouver, dans cette salle aux tons crèmes et au plafond sans fin. Sur les murs dansaient des fresques mouvantes, représentant la naissance de la Magie, s'animant autour de Ginny, tandis qu'un lustre éclatant et scintillant de mille feux restait en suspend au-dessus de sa tête, sans aucune attaches fixes.

C'est donc dans cette fantastique boutique que notre jolie sorcière entra, pleine d'admiration. Elle n'avait jamais vu chose pareille. Doucement, une brise légère vint soulever ses longs cheveux roux et une pression invisible lui enleva délicatement son manteau.

- Jolie écharpe.

C'est deux mots avaient été prononcés par une voix mélodieuse au timbre légèrement rauque, abimé par la vie.

Ginny se redressa, curieuse d'en découvrir la propriétaire, et se tourna vers la gauche pour apercevoir une forme dissimulée dans l'ombre de la pièce. Puis, dans un mouvement gracieux, celle-ci se décolla du mur sur lequel elle s'appuyait, pendant que Ginny, les yeux plissés par l'effort, se rapprochait. Avant même que la jeune fille n'est finalement pu distinguer quoi que ce soit, la silhouette fondit sur elle et l'emporta dans un large tourbillon de senteurs et de paroles. Sonnée, elle ne percevait même pas les sons formés par la grande bouche de Madame Guipure, qui s'agitait plus vite qu'un Éclair de feu.

Cette  dernière, sorcière en effervescence, était une grande dame dont l'âge ne dépassait certainement pas la cinquantaine, masqué par un corps vif ainsi qu'un long visage souriant. De grands yeux dorés, encadrés par de fines rides, un petit nez pointu, de douces lèvres qui esquissaient à présent un sourire confiant, celui maternel d'une grand-mère aimante : voilà de quoi était composé le visage à l'aspect sympathique de Madame Guipure.

Quant à sa tenue, on ne pouvait qu'admirer l'élégance de sa robe aux simples teintes unies, rehaussée par un maintien royal de ballerine. Le seul élément qui paraissait trancher avec son aspect plutôt simple, était vraisemblablement sa chevelure : une coupe de cheveux qui traduisait irrémédiablement son caractère excentrique et extraverti. Ses cheveux semblaient vouloir atteindre le ciel, relevés en lourdes boucles éparses sur le sommet de son crâne, et habités d'un mélange de couleurs si inexplicable que même le plus grand des sorciers n'aurait pas pu le décrire.

Tandis que Ginny était plongée dans l'observation passionnante de la vendeuse, semblable à un scientifique ayant découvert une espèce inconnue, le flot de paroles en continuel virevoltement se ralentissait peu à peu, pour ensuite finir par se tarir complétement, attendant avec amusement la fin de la contemplation.

- Je te demandais donc, jolie damoiselle, quelle était ton nom ? reprit d'un ton réjoui la majestueuse dame, arrachant ainsi la sorcière rousse à ses rêveries.