Chapitre 1 (corrigé)

2.3K 59 22
                                    

  Wicked.
  Thomas.
  Ce sont les seules choses qui me viennent lorsque je me réveille, allongée à terre, le dos contre une grille en métal humide et froide. 
  Un grincement métallique résonne. Le sol oscille. Déséquilibrée, il est impossible de me lever ; je ne peux que reculer à quatre pattes, la sueur au dos malgré la fraicheur environnante, terrifiée. Mes pieds heurtent une paroi de fer. Je sursaute et d'une main tremblante, la longe jusqu'à un coin où je m'assoie et ramène mes genoux contre moi, dans l'espoir que mes yeux s'habituent bientôt à l'obscurité.
  Je cherche alors la raison de ma présence ici, quand, comment... La seule chose que je sais est que j'ai peur. Terriblement peur. 
  Tout à coup, le sol se met à monter, comme un vieil élévateur dans un puits de mine. Un fracas de chaînes et de poulies retentit, résonne contre les murs. L'ascenseur obscur se balance, je suis soudainement prise de nausée ; l'odeur d'huile chaude n'arrange rien. J'aurai aimé pleurer mais mes yeux sont d'une sécheresse ardente. Heureusement pour moi, le premier problème de vomissement n'est que passager clandestin puisqu'il est bientôt remplacé par des tremblements incessants de mon corps entier...
  Je remarque alors que l'obscurité n'est pas si sombre que je le crois et que par de faibles néons, il est possible d'apercevoir sur les cartons quatre lettres oranges : « W.C.K.D ». Cette appellation résonne en moi. Pourquoi ? Je... Je ne saurai le dire. Et lorsque je réfléchie à mon prénom, je n'ai aucune idée qui m'apparait. Comment est-ce possible ? Mon cerveau semble fonctionner, prendre la mesure de la situation. Tout se bouscule dans ma tête : images, souvenirs, détails sur le monde et la manière dont il tourne. Je revois la neige sur les arbres, une rue jonchée de feuilles mortes, une glace que je suis en train de manger, un petit garçon que je serre dans mes bras... Et pourtant je ne saurai dire d'où je viens, ni comment je me suis retrouvée dans cet ascenseur, ni qui sont mes parents. Je ne me souviens même pas de mon nom de famille. Mais je suis certaine d'une chose : j'ai un frère. Comment il s'appelle... Quels sont ses goûts... Je l'ignore. Et pourtant, je sais qu'il compte énormément pour moi, je le sens.
  La cabine continue à monter, de plus en plus vite, de plus en plus fort, à un tel point de m'empêcher de me relever ; chaque tremblement me cloue au sol, de la même manière que si mon corps pèserait une demi-tonne.
  Je ne peux que rester là, dans la semi-obscurité, à patienter.
  Mon cœur siffle dans mes oreilles. Pourtant, l'appréhension et la peur laissent place à une vive curiosité. Je suis impatiente de voir où est-ce que je vais atterrir et ce qu'il m'arrive, si bien qu'après une seule seconde, je me lève et appelle au secours, martèle les parois avec mes poings. En vain, car la cage, au lieu de s'arrêter, semble monter à une plus vive allure encore.

- Ohé ! Il y a quelqu'un ? hurlai-je.

  « Que quelqu'un m'entende ! » aimerai-je ajouter, mais les mots se bloquent dans ma gorge. 
  Alors que j'arrive à me mettre réellement debout, un « Bip » tout près de mes oreilles me fait chuter à nouveau. Une lumière brusque m'apparait devant les yeux. Je me vois frapper des hommes habillés tout en noir en hurlant un cri de guerre, une dame aux cheveux clairs qui me sourit, j'entends une voix : « Aucune émotion ! », un jeune homme blond devant qui je pleure... puis, au-dessus de moi apparaissent des gens avec des masques chirurgicaux, une machine cardiaque tout près d'eux. Les images s'évaporent aussitôt qu'un soubresaut me fasse revenir à la réalité, dans cette cage. Soudainement, elle s'arrête dans un grand bruit sourd, me faisant tituber sur les fesses alors que ma tête flanche brusquement en arrière. Un mal de crâne strident me vrille le crâne tandis qu'un claquement sonore retentit au-dessus de moi. Une ligne mince apparaît dans le plafond et s'élargit sous mes yeux, tels des volets coulissants au bruit futuriste. Une lueur brûlante vient m'agresser, m'obligeant à me couvrir le visage avec les mains.
  J'entends soudain des voix masculines. Mais elles sont tellement nombreuses que mes paumes viennent d'elles-mêmes se plaquer à mes oreilles.
  Je perçois aussitôt des rires étouffés qui font accentuer ma panique. Les voix sont bizarres, résonnent curieusement, comme des chuchotements qui tourmentent mon esprit. Je plisse mes paupières et tourne les yeux vers le plafond, avant de sursauter. Les silhouettes, toutes penchées au-dessus de l'ouverture, se précisent en garçons, certains très jeunes, d'autres plus âgés. Je me sens à la fois déconcertée en voyant que ce ne sont que des gamins mais aussi angoissée à l'idée d'où je suis tombée. Soudain, l'un d'eux saute dans la cage, qui s'ébranle légèrement, de quoi faire s'accélérer mon cœur comme une balle de fusil dans le vent. Et il bat à plus vive allure encore quand je dévisage ce garçon qu'il me semble avoir déjà vu. Ce garçon devant lequel je pleurais dans mon souvenir... Mais il ne ressemble pas totalement à lui : le visage mutin et fin, un corps maigre mais grand et musclé, avec des cheveux courts d'un blond vénitien...
  Si pendant quelques secondes, je le dévisage avec l'impression de ne plus être terrorisée, un frisson me parcoure le corps quand il s'aperçoit que je suis là. Les yeux écarquillés, il s'arrête de rire en me défigurant de toute sa hauteur. Comme si que son regard envoûtant m'y a poussé, un élan de peur mêlée d'insécurité vient obstruer mon ressenti et attraper à deux mains une poêle à frire qui dépasse d'un carton. Je la tends vers ce type aux cheveux jaunes.

Mia chez les Blocards ( Tome 1 ) {EN RÉECRITURE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant