Je précède pendant plusieurs longues minutes les pas rapides de Newt, nos foulées et le frottement de l'herbe comme seul murmure. Mais le silence est de courte durée. Bientôt, des tambours et maracas résonnent dans l'air nocturne et au loin, s'élèvent les relents d'une fumée de feu de camp.
— Ce soir, c'est ta soirée ! lance Newt en se retournant, un sourire aux lèvres.
J'hausse brièvement les sourcils. Derrière lui, les Blocards s'ambiancent ; certains semblent acrobates de naissance, d'autres boivent et rigolent... Éclairés par les flammes dansantes, ils sont étonnamment empreints d'une énergie vibrante et d'une joyeuse camaraderie.
— Comment ça, de quoi tu parles ? m'étonné-je.
— Chaque fois qu'un nouveau- (Devant mon regard insistant, il se tait une seconde.) Je veux dire, qu'une nouvelle arrive au Bloc, on fait une petite fête pour lui souhaiter la bienvenue.
J'esquisse un sourire timide, mal à l'aise mais charmée par cette ambiance digne d'un camp de vacances.
— Ça a l'air plutôt sympa...
— Tu vois, je t'avais bien dit de venir.
Newt m'adresse un clin d'œil et s'approche d'un grand cercle où flambent d'épaisses branches d'arbre. Un poids se retire de mes épaules ; en m'avançant près du feu, les Blocards ne prêtent guère plus attention à moi qu'à un lièvre qui passerait par là.
— Attends moi ici, je vais chercher un truc, je reviens, dit Newt.
Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire, étonnée qu'il soit si joyeux alors qu'ils sont tous prisonniers ici et sans mémoire de leur vie d'avant. Au fond de moi, je m'interroge : pourrais-je également m'y faire ? Vais-je réussir à me sentir comme à la maison ? Penser à ça est aussi ironique que ridicule.
— Le pire, c'est la mémoire, hein ?
— Quoi ?
Je dévisage, dans l'incompréhension, le Coffreur de tout à l'heure. Son visage a un air fantomatique à travers les flammes.
— Doug, c'est ça ?
— C'est ça, dit-il avec un hochement de tête. Je disais... le pire reste la mémoire. Les premiers jours, on force notre cerveau à y penser sans s'arrêter, jusqu'à même se filer la migraine. Mais dans ton cas... je suis presque sûr que c'est déjà fait, pas vrai ?
Je reste interdite, à contempler le feu calciner les plus fines des branches.
— Je m'étais habitué à méninger mes neurones, continu Doug, en essayant de chercher plus loin que le bout de mon nez. J'hallucinais aussi des réactions des autres. Mais après, on commence à s'y faire.
— Je ne sais pas si je m'y ferais... avoué-je avec regret.
— Tout ce que je peux te conseiller, c'est de ne pas trop t'attarder dessus. (J'affronte ses yeux énigmatiques.) C'est vrai, après tout... on pourrait être pourchassés par les Griffeurs, bouffés par des frôlons asiatiques ou même pire : mourir de faim parce que Frypan ne sait toujours pas cuisiner les œufs au plat.
Bien qu'arborant un ton étrangement familier, l'adolescent a de quoi s'attirer l'étiquette du vieux sage un peu fou. Je soupire doucement et le regard tiré vers le vide, demande :
— Et... tu n'as jamais eu l'impression de couler vers le fond ?
— Au début si.
— Et ça fait combien de temps que tu es ici ?
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Mia chez les Blocards ( Tome 1 ) {EN RÉECRITURE}
FanfictionQuand Mia reprend connaissance, sa mémoire est vide, seul le nom d'un certain Thomas et d'une organisation nommée Wicked lui sont familiers... Elle se retrouve entourée d'adolescents livrés à eux-mêmes, dans un lieu étrange; à l'ombre de murs infran...